À intervalle plus ou moins régulier, l’industrie automobile s’invente des échappatoires pour quelques grands enfants fortunés. Les sixties et les seventies ont été celles des GT ; les années 1980-2000 ont inspiré les supercars. Place désormais aux hypercars. À chaque fois, la démesure franchit de nouvelles étapes. Points communs de toutes ces machines d’exception: ce sont les voitures les plus rapides et les plus chères du monde ; elles sont les collectors de demain ; elles empruntent leur technologie à la compétition et sont produites en quantité très limitée. Au point de débouter un grand nombre de demandes.
Un comble pour des engins qui, vus de l’extérieur, ne servent à rien sinon à nourrir le plaisir et le désir de leurs heureux propriétaires. Un raccourci un peu sévère si l’on considère que la plupart des supercars des années 1980-90 ont connu une destinée sportive. La McLaren F1 a même remporté les 24 Heures du Mans 1995. La nouvelle génération de ces machines superlatives en cours de développement et dotées d’un système hybride semble aussi parée à prendre le chemin de la piste. Les hypercars vont représenter la catégorie reine de l’endurance à partir de la saison 2020-2021. Certains ténors du secteur s’activent en coulisses.
● McLaren Speedtail: trois places frontales
Les Anglais, c’est leur marque de fabrique, ne font jamais rien comme tout le monde. Vingt-six ans après sa F1, McLaren installe de nouveau le gentleman-driver au centre d’une structure monocoque en carbone à trois places frontales et conduite centrale. À l’instar du modèle F1 longue queue engagé au Mans en 1997, l’aérodynamique a dicté les lignes épurées de la Speedtail qui atteint une longueur incroyable de 5,13 m. Un record pour la catégorie.
Grâce à sa robe allongée et dénuée d’aileron, à ses roues avant carénées, à son nez pointu, à sa poupe biseautée et au remplacement des rétroviseurs extérieurs par des caméras de rétrovision, l’hypercar anglaise revendique un faible coefficient de traînée. Cela lui permet de pénétrer le cercle fermé des voitures capables de passer la barrière des 400 km/h (403 précisément).
Par rapport à la supercar P1, les accélérations défient un peu plus le sens commun. Atteindre les 300 km/h ne demanderait que 13 secondes, au lieu de 16,5 secondes précédemment. Ces performances foudroyantes reposent sur la technologie hybride dont McLaren distille les informations au compte-gouttes. L’association du V8 4 litres biturbo emprunté à la Senna à un moteur électrique permettrait d’afficher une puissance mirifique de 1 050 chevaux. Le tarif est tout aussi étourdissant: 1,75 million de livres sterling hors taxes. Inutile de vous précipiter chez McLaren: les 106 exemplaires livrables à partir de Noël 2019 sont déjà tous attribués.
● Aston Martin Valkyrie: déesse anglo-autrichienne
À côté de l’hypercar Aston Martin, la Speedtail paraît presque insipide. Empruntant son nom à des divinités de la mythologie nordique, la Valkyrie est le fruit d’une coopération avec l’écurie de Formule 1 autrichienne Red Bull et son médiatique directeur technique, Adrian Newey. À voir le tunnel aérodynamique sous le plancher, la forme des pontons et l’aileron avant, la déesse anglo-autrichienne tient plus d’une F1 ou d’un catamaran de course que d’une automobile. La coque en carbone est produite par le spécialiste canadien Multimatic qui assemble la Ford GT.
Pour propulser la Valkyrie, Aston Martin ne recourt pas à l’hybridation mais à un V12 atmosphérique de 6,5 litres profitant de l’expertise de Cosworth. Proche d’un moteur de F1 au niveau de la conception et des matériaux high-tech employés, ce V12 ne fait pas injure à la norme des hypercars malgré l’absence d’hybridation. Il délivre une puissance de 1 000 chevaux à 10 500 tr/min et un couple de 740 Nm à 7 000 tr/min. Il faut s’attendre à un nouveau nirvana automobile en matière de sonorité avec une zone rouge portée à 11 000 tr/min. La transmission robotisée à 7 rapports provient de chez Ricardo.
Le traitement de l’habitacle plus exigu que celui de la McLaren est de la veine sportive que la coque. À la différence du cockpit de la Speedtail qui fait toujours référence à un modèle courant tant au niveau du volant que de la planche de bord accueillant trois écrans digitaux, celui de la Valkyrie renvoie à la F1 avec son volant à double méplat intégrant un écran numérique et bardé de boutons de réglages.
À défaut de Speedtail, les amateurs fortunés ne pourront pas se rabattre sur l’Aston Martin. Les 175 exemplaires sont déjà tous alloués, au tarif unitaire de 3 millions d’euros.
● Mercedes: AMG en numéro un
Tout en arborant fièrement l’étoile de Mercedes sur son capot, l’hypercar One est largement anglaise. L’écurie championne du monde de F1 avec Lewis Hamilton s’est vue confier une grande partie du programme. Et pour cause: la One est une véritable F1 carrossée. De nombreux composants proviennent de l’autre côté de la Manche, comme la boîte robotisée à 8 vitesses Xtrac mais aussi la structure présentant l’originalité d’une dérive sur le capot arrière.
La production des moteurs sera assurée par l’usine de Brixworth en charge des propulseurs hybrides de la F1. Ces derniers sont au cœur de cette Mercedes de route vraiment spectaculaire. C’est ainsi que la One embarque en position centrale arrière un V6 1,6 litre à injection directe, quatre soupapes par cylindre et quatre arbres à cames en tête, couplé à une boîte robotisée à 8 rapports. Grâce à l’adjonction d’un moteur électrique de 122 ch connecté à un turbocompresseur permettant de récupérer une partie de l’énergie cinétique dissipée à la décélération, il affiche 680 ch. La puissance totale de la One culmine à 1 050 chevaux grâce au concours de deux machines électriques de 120 kW (163 ch) installées dans chacune des roues avant. Ces moteurs alimentés par une batterie de grande capacité seront capables d’assurer une autonomie électrique d’environ 20 km. La One passerait la borne des 200 km/h en moins de 6 secondes et pourrait dépasser 350 km/h.
Le plus grand défi auquel est confronté Mercedes est de faire fonctionner cette usine à gaz dans toutes les situations sans avoir à recourir à une armée d’ingénieurs. Sans surprise, le tarif de plus de 2,5 millions d’euros n’a pas dissuadé les amateurs. La division AMG a reçu quatre fois plus de demandes que les 275 unités qui seront produites à partir de fin 2019.
● Toyota GR Super Sport: interrogation nippone
Les déçus pourront peut-être se reporter sur la Toyota GR Super Sport présentée au dernier salon de Tokyo. Étroitement dérivé du prototype TS050 victorieux au Mans, ce véhicule donne un avant-goût de ce que pourrait être la prochaine génération des supercars Toyota. Sa chaîne de traction hybride se compose d’un V6 biturbo à injection directe d’essence de 2,4 litres, couplé avec une machine électrique pour fournir une puissance de 1 000 ch répartie sur les quatre roues.
Enfin, Ferrari et Porsche, pourtant les papes des supercars et des séries limitées exclusives, sont pour le moment les grands absents de cette nouvelle offensive. À Maranello comme à Zuffenhausen, le réveil ne devrait pas tarder.