La dernière 911 type 992 est-elle mieux que le modèle qu’elle remplace? C’est la seule question qui vaille aux yeux des porschistes et des amateurs de voitures de sport au moment d’ouvrir le huitième chapitre d’une carrière qui frise l’insolence. Mais la 911 n’est plus depuis longtemps une automobile. C’est un monument. Une leçon pour nous humains. Arrivée au seuil de la soixantaine, elle ne pense toujours pas à la retraite. Nous savons que nous allons continuer à vieillir ensemble. Sans perdre de vue la nécessité pour la garante de l’âme et de l’esprit Porsche de s’abstenir de heurter la sensibilité de ses aficionados. C’est pourquoi, pour le constructeur, chaque changement génération est une opération à haut risque. Où placer le curseur entre évolution raisonnée et révolution? Même si la marque semble avoir tranché en faveur de la première option, le type 992 évolue beaucoup plus que ce que ses lignes ne laissent percevoir.
Des hanches élargies
Ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre. Quelques coups de crayon précis suffisent à moderniser la ligne inimitable et immuable de la 911. Si l’empattement est identique à celui de la 991, la longueur gagne 20 mm et surtout les voies ont été élargies (+ 45 mm à l’avant). Ajoutez des roues de 20 pouces à l’avant et de 21 pouces à l’arrière, et vous obtenez une voiture plus volumineuse et paraissant prête à bondir. Nouveauté: la carrosserie étant identique pour la Carrera S et la 4S, il devient impossible de les distinguer. Hormis des boucliers bardés de plastiques noirs, l’évolution la plus sensible concerne le traitement de l’arrière.
En la voyant s’éloigner, on lui trouvera des accents de Macan avec son bandeau lumineux reliant des feux effilés et son pare-chocs massif. La lunette arrière et la grille de refroidissement intégrant le feu-stop ne forment qu’un seul élément. Les adeptes de la 911 salueront des roues optionnelles (+ 2 394 €) et la signature lumineuse des projecteurs à LED Matrix (+ 2 928 €) qui évoquent les fameuses jantes Fuchs de la 911 des années 70. La plateforme à 80 % nouvelle ouvre l’accès aux nouvelles technologies. Cela lui permet de ne grossir que de 50 kilos en intégrant la réduction de 12 kg du poids de la caisse grâce à l’emploi massif d’aluminium (près de 70 %).
Entre tradition et modernité
Le premier contact physique avec la 992 est une mini-déception. La faute aux poignées de portes escamotables. Avec l’accès confort (+ 552 €), il suffit de s’en approcher pour qu’elles se déploient. Sauf que l’espace disponible n’offre guère de prise aux doigts et le contact avec la poignée est rugueux. Par contre, le traitement de l’habitacle n’appelle que des éloges. L’ambiance se rapproche de celle des berlines de la marque. La qualité perçue évolue encore mais pour le cachet sportif, il faudra attendre la prochaine GT3. La 992 se convertit avec bonheur au numérique. On retrouve la tablette incurvée découverte sur le prototype de la Taycan essayé en juin dernier. L’essentiel est préservé: au milieu des deux écrans personnalisables trône un énorme compte-tours analogique. Le centre du bandeau de tableau de bord est occupé par un écran tactile de 10,9 pouces. Il permet une réduction du nombre de boutons, sans dégrader l’ergonomie.
Comme il est d’usage chez Porsche, le catalogue comporte de nombreuses possibilités de personnalisation. La facture pourra vite grimper à plus de 150 000 euros si l’on coche de nombreuses cases. Les sièges sport de même que la sellerie tout cuir sont en option. Il faudra ainsi débourser 5 448 euros pour accéder au vert agave plébiscité par Wolfgang Porsche. La margelle de la planche pourra être soulignée de différents matériaux (bois, carbone, alu, laque piano) et même arborer la teinte de la carrosserie. Voulue toujours plus facile à vivre au quotidien pour plaire à une nouvelle clientèle, la 911 type 992 multiplie les aides à la conduite. La plupart reste à la discrétion des clients: régulateur de vitesse adaptatif (1 716 €), surveillance des angles-morts (828 €), vision de nuit (2 352 €), lecture des panneaux routiers couplée à l’assistance de changement de voie (1 068 €), assistance au parking avec caméra de recul (1 704 €). Le pack Sport Chrono (2 346 €) comprend plusieurs modes de conduite et donne accès à une application compilant de nombreux circuits dans le monde et permettant de se familiariser avec le tracé mais aussi d’enregistrer ses tours de piste et d’analyser différents paramètres du véhicule (accélération latérale, sous-virage, survirage par exemple).
Sportivité accrue, sérénité sous la pluie
Le réveil du flat-six 3 litres biturbo est une autre déception. Il a perdu son timbre reconnaissable entre mille pour devenir plus rauque. Il se fait oublier sur l’autoroute, au détriment de bruits aérodynamiques au niveau des montants de pare-brise et des rétroviseurs. Il s’agit de la version S de 450 ch (+ 30 ch), la seule disponible au lancement en mars avec la nouvelle boîte PDK à huit rapports. En pouvant loger un moteur électrique, elle prépare l’arrivée du modèle hybride rechargeable d’ici trois ans. Nous l’avons trouvée moins rapide et moins bien étagée qu’avant. Ce flat-six est doté d’un filtre à particules pour la dépollution; d’injecteurs piézoélectriques pour la combustion. Cela ne suffit hélas pas à échapper au supermalus et à une fiscalité française discriminatoire.
Quelques kilomètres suffisent pour constater que les ingénieurs ont réussi à repousser encore les limites de la 991, déjà éblouissante dans sa façon de rendre le conducteur talentueux. Notre jugement devra toutefois être révisé à l’aune de la présence de nombreuses options telles que les roues arrière directrices qui participent à l’agilité (+ 2 268 €) et du châssis sport (+ 948 €). Ce dernier contribue au maintien de la caisse mais ne devrait pas être étranger à la raideur du tarage des amortisseurs. Le confort n’en souffre pas, sauf sur une chaussée très dégradée. Au-delà de performances supérieures – gain de 0,4 seconde pour atteindre les 100 km/h et de 5 secondes sur le circuit juge de paix de la Nordschleife du Nürburgring -, c’est la facilité à les atteindre qui apparaît bluffante. Pouvoir tirer la quintessence de la 911 a son revers: la consommation ne nous a pas permis de dépasser les 300 km d’autonomie. C’est un peu juste mais Porsche propose en option (+ 192 €) un réservoir de 90 litres, contre 64 l de série.
De même, on ne saurait trop encourager d’investir 348 euros dans l’essuie-glace arrière. Quant au choix des armes (2 ou 4S), il dépendra des usages. La propulsion est plus sous-vireuse. La 4S se distingue par une neutralité et une motricité supérieures. Dans les deux cas, vous n’affronterez plus l’aquaplaning et les chaussées détrempées la peur au ventre. Les 911 sont équipées de série d’un mode «pluie». Nous avons testé ce système, qui détecte l’humidité grâce à des capteurs dans les roues et qui adapte les paramètres du véhicule en conséquence. Son efficacité est remarquable. On a l’impression d’être dans un véhicule Scalextric qui est remis sur ses rails au moment où il serait tenté de décrocher.
Notre avis
La prise en mains est si évidente que l’on oublie vite le passage de la 992 à l’ère numérique. Facteur de tranquillité et de sécurité, l’efficacité du comportement réussit à progresser. Et son assurance sur les chaussées humides et détrempées, grâce au mode «pluie», conduit à asseoir encore un peu plus sa réputation de reine de la polyvalence.
Fiche technique
Moteur
Type: flat-six biturbo, 2 981 cm3
Puissance: 450 ch à 6 500 tr/mn
Couple: 530 Nm de 2 300 à 5 000 tr/min
Transmission: Propulsion ou intégrale, boîte automatique PDK à double embrayage à 8 rapports
Dimensions (L/l/h): 4 519 x 1 852 x 1 300 mm
Coffre: 132 l
Poids: 1 590/1 640 kg
0-100km/h: 3,7 et 3,5 secondes
Vitesse maximale: 308/306 km/h
Consommation (Mixte UE): 8,9/9 l (NEDC corrélé)
Émissions CO2: 206 g/km
Prix: 122 255 et 130 175 euros