Rien ne va plus. Alors qu’elles avaient baissé, les émissions de CO2 des véhicules particuliers sont reparties à la hausse. La faute à la chute des ventes de véhicules Diesel, au passage au protocole d’homologation WLTP plus proche de la vraie vie et du succès des SUV. Ce nouvel ordre rend plus incertain le respect des objectifs de réduction de l’empreinte carbone imposés par la Commission européenne. En 2021, la moyenne des émissions de CO2 des constructeurs automobiles devra atteindre le seuil de 95 g/km. Ce n’est qu’une étape intermédiaire sur la voie d’engagements beaucoup plus contraignants. L’Europe s’est engagée en avril 2019 sur une baisse supplémentaire de 37,5 % des émissions moyennes de CO2 des voitures neuves à horizon 2030 par rapport à 2021. Cela revient à abaisser les émissions à 60 g/km, ce qui implique une division par deux des rejets par rapport à 2018. Les efforts à produire par les constructeurs sont énormes alors même, on l’a vu, le marché est en train de s’éloigner des objectifs de 2021. France Stratégie, l’organisme d’études et de prospective, d’évaluation des politiques publiques et de propositions placé auprès du Premier ministre, vient de publier un rapport dans lequel il développe quelques pistes de réflexion pour inverser la tendance actuelle. Son argumentation implacable s’appuie sur le fait qu’à motorisation et à vitesse égales, le véhicule le plus léger consomme moins et donc émet moins de gaz à effet de serre que l’autre. Depuis quelques années, on observe que les progrès accomplis par les constructeurs en matière de consommation sont effacés par l’alourdissement des véhicules. L’augmentation du poids résulte autant du renforcement des structures des véhicules et de l’ajout toujours croissant d’équipements de sécurité et d’agrément à bord des véhicules. Les SUV et autres 4 x 4 aggravent ce bilan en raison de leur masse, plus élevée, et de leur résistance plus importante à l’avancement. La situation est d’autant plus complexe que ces véhicules connaissent un engouement sans précédent auprès des automobilistes. Alors qu’ils représentaient moins de 5 % des immatriculations de véhicules neufs dans les années 2000, les SUV ont assuré une vente sur trois en Europe l’an dernier.
France Stratégie estime donc qu’il faut dissuader les automobilistes d’acheter ces modèles pour parvenir à baisser ses émissions de CO2 de 10 grammes par an. Aujourd’hui, en France, le calcul du bonus-malus est indexé sur le seul CO2. France Stratégie préconise donc la contrainte en ajoutant la masse du véhicule dans le calcul du bonus-malus. Le système est déjà en œuvre en Norvège. Le rapport s’intéresse aussi à l’impact environnemental des véhicules électrifiés. Il propose de récompenser les meilleurs conducteurs à travers un rabais sur le bonus-malus annulé calculé sur les véhicules hybrides rechargeables. Ce serait une prime destinée à encourager à recharger régulièrement son véhicule et à rouler le plus souvent possible en mode électrique.
Comme cela avait été envisagé en Norvège, France Stratégie ouvre enfin la voie à l’exclusion des véhicules électriques les plus lourds, en se basant sur le fait que la taille importante des batteries limite les gains environnementaux. Une Tesla pesant plus de 2 tonnes ne pourrait ainsi pas bénéficier d’un bonus. Au final, ce rapport met en relief la recherche par les pouvoirs publics de nouvelles recettes fiscales. Ce n’est donc pas demain que l’automobiliste cessera d’être la vache à lait de l’État.