Le gouvernement et l’administration ont décidément de la suite dans les idées. Après un premier ballon d’essai lancé avant les congés d’été par France Stratégie, l’organisme d’études et de prospective, d’évaluation des politiques publiques et de propositions placé auprès du Premier ministre, en voici un second, de la même veine, inscrit cette fois dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances 2020 sous forme d’amendements. Avec toujours le même objectif: l’instauration d’un nouveau malus dont le barème serait cette fois fondé sur la masse des véhicules.
Selon l’argumentation de France Stratégie, plus un véhicule est léger, moins il consomme, et moins il émet de gaz à effet de serre. CQFD. «On fait des gains d’efficacité des moteurs, on allège et on améliore l’aérodynamisme. C’est compensé par l’augmentation de la taille, du poids et de la puissance des voitures», estime Nicolas Meilhan, conseiller scientifique au sein de France Stratégie. «Le transport est le seul secteur qui n’a pas réussi à baisser ses émissions de CO2. Depuis 1990, elles ont augmenté de 28%» précise Bérengère Mesqui, directrice du département Développement durable et numérique à France Stratégie, dans une conférence donnée le 27 septembre.
Les SUV en ligne de mire
En clair: sus aux SUV, ces voitures aux carrosseries hautes qui connaissent le succès depuis ces dernières années. Leur allure de faux 4×4 suscite la colère de certains défenseurs de l’environnement. «Les ventes de véhicules tout-terrain de loisir (SUV) ont été multipliées par plus de quatre au cours des 10 dernières années, passant de 8 % en 2008 à 32 % en 2018 en Europe. Aux États-Unis, ils ont atteint 69 % des parts de marché», se scandalise Greenpeace dans l’un de ses récents rapports. «Les SUV rendent impossible une transition déjà difficile», renchérit l’organisation.
Même écho du côté de la Marie de Paris: «Ces véhicules ne sont pas adaptés à la ville», dit Christophe Najdovski, le maire adjoint de la capitale, chargé des transports, qui martèle que «Paris prend la question des SUV «très au sérieux».
Pourtant, l’empreinte au sol des SUV n’est pourtant pas supérieure à celle d’une berline ou d’une routière, souvent guère plus légère, ou même d’un monospace. Les SUV ne sont jamais que des monospaces modernes, et la plupart n’excèdent pas 4, 30 m.
Les hybrides vont souffrir
Cette idée de taxer la masse d’un véhicule vient de Norvège, où un dispositif déjà en place prend aussi en compte, outre le poids, la puissance et les rejets polluants de la voiture. Selon les amendements déposés, il serait question de sanctionner les véhicules de plus de 1 300 kg (et sans bonus pour ceux se situant en dessous) au tarif de 15 € le kilo. Pour les électriques ne sont pas épargnés. Pour eux, le pont d’inflexion serait de 1 700 kg, ce qui toucherait durement de grands SUV comme la Tesla Model X, l’Audi e-tron, ou la Mercedes EQC.
Si ce projet se concrétise, les SUV familiaux «thermique» (Peugeot 5008, Renault Espace, par exemple) vont souffrir en premier. À terme, les SUV compacts pourraient se retrouver également dans le collimateur du système si leur masse augmente. En raison de la richesse des équipements de sécurité et de confort, on ne produit plus de voitures légères comme naguère. C’est aussi un coup de poignard dans le dos de l’hybride rechargeable, capable de rouler quelques dizaines de kilomètres en mode purement électrique, mais handicapé par une masse plus élevée (emport d’une motorisation électrique et poids des accumulateurs). Les hybrides non «malussés» n’échapperont pas à cette nouvelle taxe.
Pour certains observateurs, c’est l’idée d’une nouvelle taxation généralisée sur l’automobile qui s’esquisse. Pour les constructeurs comme pour les automobilistes, ce système est déjà vécu comme une double peine, car ce nouveau malus pourrait bien se superposer à celui en vigueur (et prévu en forte augmentation en 2020) prenant en compte les émissions de CO2. Il faut bien, aussi, compenser la chute des recettes due à la destruction d’une grande partie des radars routiers.