La mobilité individuelle et l’environnement n’en finissent plus de déchaîner les passions. Au risque souvent de véhiculer de fausses idées auprès de la population. C’est ainsi qu’établir un classement des villes françaises de plus de 30 000 habitants en fonction des émissions de CO2 de son parc automobile procède d’une bonne intention mais cela peut conduire à installer dans les esprits par un raccourci insidieux qu’une ville pollue plus ou moins que sa voisine. En premier lieu, il convient de rappeler qu’un véhicule doit rouler pour rejeter du CO2 et des polluants. Or, l’étude ne prend en compte que le parc et les véhicules neufs immatriculés en 2019 mais ne prend pas en compte le nombre de kilomètres parcourus sur chaque commune. En deuxième lieu, le CO2 est un gaz à effet de serre, responsable du réchauffement climatique. La France alloue un bonus écologique aux voitures qui émettent le moins de CO2 autrement dit à celles qui consomment le moins de carburant, ce qui de facto favorise les véhicules diesels. Or, depuis le dieselgate, ces derniers sont devenus des bêtes noires, des pestiférés. C’est tout le paradoxe de notre époque: la fiscalité est basée sur le CO2 dont le diesel est le meilleur allié mais que les pouvoirs publics veulent à tout prix bannir. Avec la mise en place des vignettes Crit’air, le diesel est voué à disparaître progressivement. Principale conséquence: un nombre de plus en plus important de ménages se sont détournés du diesel pour acheter un modèle à moteur essence, entraînant de facto une hausse des émissions de CO2. C’est particulièrement vrai dans les villes où les habitants disposent d’un revenu supérieur à la moyenne nationale. Selon l’étude, Neuilly-sur-Seine, Annemasse, Nogent-sur-Marne, Saint-Maur des Fossés, Asnières-sur-Seine et Thonon-les-Bains arrivent en tête des villes dont le parc auto émet le plus de CO2 en raison d’une surreprésentation de véhicules de segments et de cylindrées supérieures à la moyenne. Il faut ajouter que le taux de modèles à essence y est supérieur d’ailleurs.
L’étude range dans le même panier que les villes les plus riches, mais pour d’autres raisons, les villes dont les revenus des ménages sont sensiblement inférieurs à la moyenne nationale et principalement les communes de la banlieue de Paris (la moitié rien qu’en Seine-Saint-Denis). Il s’agit de Garges-lès-Gonesse (95), Goussainville (95), Villeneuve-Saint-Georges (94), Le Blanc Mesnil (93), Bondy (93), Sevran (93), Sarcelles (95), Stains (93), Epinay-sur-Seine (93), Argenteuil (95). L’âge du parc, supérieur à 8 ans, explique le niveau plus élevé des émissions de CO2. Dans le cadre d’une réduction des émissions de gaz à effet de serre du parc automobile, des mesures d’accompagnement en faveur du rajeunissement du parc sont à préconiser.
Enfin, si la baisse du CO2 agit sur le réchauffement climatique, elle n’améliore pas la qualité de l’air que nous respirons. En effet, ce qui provoque asthme, toux, allergies et cancers, ce n’est pas le CO2 mais les polluants rejetés par les moteurs, notamment les particules fines et les oxydes d’azote majoritairement produits par les diesels. En condamnant le diesel, on s’expose à une augmentation des niveaux de CO2. Quant à privilégier l’électrique, c’est déplacer la pollution sur un autre terrain.