Cela promet. Il y a quinze jours, il était demandé aux Français de renoncer à utiliser leurs appareils électriques en raison d’une vague de froid qui avait engendré un pic de consommation à 87 gigawatts – l’équivalent de la production d’un réacteur nucléaire. Si le réseau français de transport d’électricité RTE sonnait l’alarme, c’est que l’on avait frôlé le black-out. L’opérateur a déjà prévenu qu’en raison d’un déficit de production en période de forte demande des défaillances sont à prévoir lors des deux prochains hivers. Dans une récente note, France Stratégie souligne que «dans la prochaine décennie, les nombreux arrêts de centrales pilotables, à charbon ou nucléaires, actuellement programmés, semblent assez peu intégrés dans le débat public». Le sujet est d’autant plus préoccupant, pour ne pas dire explosif que, dans le même temps, l’Union européenne enjoint ses ressortissants à prendre le virage de la voiture électrique.
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Rien qu’en France, le parc de véhicules à batterie rechargeable – hybride rechargeable et 100 % électrique – a augmenté de 194.730 unités (+ 180 %) l’an dernier pour atteindre 470.295 voitures fin 2020. Et un objectif de 1 million a été fixé fin 2022. Ce n’est qu’une étape car l’Union européenne milite pour une interdiction de la vente de véhicules thermiques dès 2035. La Norvège dès 2025! Contrairement à ce que les apôtres de l’écologie veulent nous faire croire, installer le monde entier dans une voiture électrique ne réglera pas le problème de la pollution et ne fera pas disparaître les gaz à effet de serre, responsables du réchauffement climatique. Le bilan écologique de l’électromobilité vers laquelle la société cherche à nous embarquer serait beaucoup moins vertueux que ce que l’on veut bien nous dire. Ce programme viserait en fait à déplacer la pollution. Si l’usage d’une voiture électrique est presque propre, on ne peut pas en dire autant de la production de l’électricité dans certains pays, de l’extraction des matières premières nécessaires à la production des organes électriques du véhicule mais aussi de leur recyclage.
Quelques défaillances récurrentes
En attendant une rupture technologique qui réduirait l’impact environnemental, la voiture électrique alterne le chaud et le froid. De la multiplication des expériences est apparue la conviction qu’elle ne se prête pas à tous les usages et qu’elle va surtout modifier profondément notre rapport à l’automobile. Demain, avec l’augmentation du parc, il faudra s’attendre à de longues files d’attente aux stations de recharge. À ce titre, la France n’est pas en avance en matière d’infrastructures. Selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), à peine 30 % de l’objectif des 100.000 points de recharge sur le domaine public d’ici à fin 2021 était atteint fin décembre 2020. Il y a aujourd’hui une prise pour 13 véhicules à batterie rechargeable. Malgré le chemin restant à parcourir, les professionnels du secteur se veulent résolument optimistes.
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L’enjeu est sans doute moins le nombre de bornes qu’un maillage efficace à travers l’ensemble du territoire et le déploiement en masse de bornes rapides. C’est l’un des points faibles de la voiture électrique: la recharge de la batterie peut prendre autant de temps que de cuire un gigot confit. Surtout, on enregistre de grandes disparités d’un véhicule à l’autre, liées à la puissance de charge qu’accepte le chargeur embarqué. La Porsche Taycan accepte, par exemple, une puissance de charge de 270 kW qui permet, sur une borne rapide, de récupérer 80 % de l’énergie de la batterie en 22 minutes. C’est bon à savoir: les 20 % restants demandent autant de temps. Cela est vrai pour tous les modèles. Voilà pour la théorie.
Dans la pratique, les anecdotes pullulent. Le débit peut être ralenti si toutes les prises sont occupées et si l’installation est éloignée d’une grande ville, ce qui est souvent le cas d’une station-service d’autoroute. À 130 km/h, la consommation d’électricité augmente sur certains modèles de manière vertigineuse par rapport aux données des constructeurs. La température extérieure mais également la puissance de la ventilation et la température du chauffage influent aussi fortement sur l’autonomie. Conséquence: il faut s’arrêter souvent. Trop souvent. Toutes les 1 h 30 ou 2 heures selon les modèles. Sans compter quelques défaillances récurrentes: borne défectueuse ; surchauffe des systèmes ; câble bloqué côté voiture. Parmi les obstacles qui reviennent le plus souvent figurent l’absence d’interopérabilité des bornes et l’impossibilité de paiement à l’acte.
Éric, qui assure régulièrement des rodages et des convoyages de véhicules à travers la France, insiste sur le fait que l’électrique nécessite une phase d’apprentissage pour éviter les désillusions. «Il faut réapprendre à conduire mais on se prend vite au jeu de privilégier l’autonomie en dosant l’accélérateur et en anticipant les aléas de la circulation.» Certains y verront sans doute une régression. Un Paris-Marseille au volant d’une Volkswagen ID.3 lui a demandé douze heures. «J’ai dû recharger 4 fois 30 minutes et j’ai roulé la plupart du temps à 110 km/h.» S’arrêter régulièrement: une contrainte admise par Thierry, possesseur d’une Tesla Model 3 depuis deux ans. «Parfois, le temps de discuter avec d’autres conducteurs de Tesla et la voiture est déjà chargée», dit cet adepte des voitures de sport conquis, comme Éric, par la zénitude qu’apporte l’absence de bruit au quotidien. «Sportive ou électrique: ces deux types de voitures sont complémentaires. La Tesla sert aux trajets urbains et périurbains, de l’ordre de 120 à 150 km par jour. J’ai installé une borne chez moi et je recharge la nuit en heures creuses. Une charge me coûte entre 5 et 7 euros. Il n’y a plus de révision. J’ai réduit mon budget auto», explique Thierry. Le réseau en propre comprenant en France autour de 640 superchargeurs répartis sur 74 sites est le principal atout du constructeur californien.
Au regard de son impact environnemental, des obstacles à surmonter, est-il judicieux d’accorder autant d’importance à l’électrique? D’autant qu’il faut s’attendre à ce que l’électricité soit taxée comme l’essence.