C’est un mauvais signal. Érigée en porte-drapeau de notre industrie automobile tricolore, la DS9 sera la grande absente du défilé du 14 juillet. Les services de la présidence de la République auraient estimé qu’il serait mal vu que l’actuel locataire de l’Élysée parade à bord d’un modèle fabriqué en Chine. C’est oublier que le design et l’ingénierie du véhicule portent la marque France et que la DS9 illustre le savoir-faire de notre industrie.
Visiblement, cela dérange moins que les premiers véhicules électriques, commercialisés par les deux constructeurs français, reposent sur une technologie provenant d’Asie. Si le nouveau fleuron des marques françaises du groupe Stellantis, issu de la fusion de PSA et de Fiat-Chrysler, est produit en Chine, c’est autant pour des raisons industrielles que logistiques.
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L’empire du Milieu représente le principal débouché commercial de la DS9. Depuis longtemps, les automobilistes chinois sont particulièrement friands des grandes berlines statutaires, choyant le confort et l’habitabilité aux places arrière. Dans ce registre, la dernière création de la jeune marque de luxe française se place au sommet de la catégorie des grandes routières.
Plus grande routière française
L’absence de la DS9 illustre le malaise de nos élites à l’égard de l’automobile. Elle nourrit le divorce grandissant entre le pouvoir et la voiture. Certes, ces relations dégradées ne datent pas d’hier mais le quinquennat d’Emmanuel Macron restera frappé du sceau de l’interdiction du diesel et de la volonté de passer le plus vite possible au tout électrique. On n’en mesure pas encore tous les effets mais les postures dogmatiques ne présagent jamais rien de bon.
À la place de la DS9, le président de la République devrait sans doute préférer prendre de la hauteur à bord de l’un de ses SUV habituels. En somme, une voiture identique à celle de ses administrés. Une voiture normale. En même temps, l’absence de la DS9 est un acte manqué. La parade du 14 juillet diffusée en direct à la télévision était une occasion en or de réhabiliter la grande berline dans l’esprit des automobilistes. La dernière DS aurait bien mérité sa minute de gloire télévisuelle. Histoire de ne pas rester dans l’ombre.
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La DS9 subit une cascade de contrariétés. Elle arrive sur le marché avec près d’un an de retard sur le calendrier initial. Elle a essuyé une série de revers imputables autant à une gestation difficile qu’à la crise sanitaire qui a mis à l’arrêt les chaînes de production et à la décision du groupe Stellantis de se retirer de la joint-venture avec le chinois Changan et de vendre ses parts dans l’usine de Shenzhen au groupe Baoneng. Ce dernier assure désormais la production en sous-traitance pour PSA des modèles DS.
Les chinoiseries élyséennes n’empêchent pas la DS9 de marquer le renouveau de la grande berline tricorps française. Certes, ses lignes paraissent un peu sages et ses voies bien étroites – une vue du ciel met en lumière le cintrage de l’arrière – comparées aux références allemandes mais la silhouette ne manque pas d’élégance avec ses flancs lisses et le pavillon fuyant comme un coupé. Clin d’œil à la DS originelle, la DS9 intègre des feux de position aux extrémités de la lunette arrière.
Un parfait compromis confort-efficacité
Avec une longueur de 4,93 mètres, soit pour mémoire 160 mm de plus que la DS7 Crossback, la DS9 s’impose comme la plus grande routière française. À défaut d’être la voiture du président, elle est vraiment la voiture des présidents. Grâce à son empattement porté à 2,90 m, soit 50 mm de mieux que la Peugeot 508 rallongée réservée au marché chinois, la DS privilégie l’habitabilité arrière.
L’espace arrière et les équipements ne sont pas aussi généreux que ceux d’une Mercedes Classe S mais le président de la République et son épouse auraient certainement apprécié son confort, à commencer par le toucher soyeux du cuir nappa à surpiqûres de la finition Opéra (+ 4950 €) reconnaissable à sa teinte rouge rubis, et le moelleux des appuie-tête réglables. Les côtés se replient sur la tête et les oreilles pour renforcer l’aspect cocon. Avec le silence acoustique, s’assoupir devient une formalité.
Le siège avant droit peut aussi être avancé depuis l’arrière. Autre raffinement: comme ceux de l’avant, les sièges arrière latéraux sont ventilés, chauffants et massants. Cette dernière fonction laisse le choix entre cinq programmes différents (patte de chat, vague, lombaire, étirement et épaules) et trois niveaux d’intensité.
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Pour sa part, l’installation hi-fi Focal (+ 1200 €) transformant l’habitacle en salle de concert porte le label tricolore. Reste que la planche de bord, quasiment identique à celle de la DS7, marque le pas par rapport à celles des acteurs allemands en termes de simplicité. Le parti pris de pictogrammes en forme de losange pourra déconcerter, tout comme l’ergonomie de l’écran d’infodivertissement et l’absence d’affichage tête haute.
La douceur de fonctionnement et la souplesse de la suspension pilotée s’adaptant en permanence au profil de la route grâce à une caméra s’apprécient particulièrement avec le moteur hybride rechargeable E-Tense de 225 ch. Il assure près d’une quarantaine de kilomètres en mode électrique. Fin 2021, l’intégration d’une batterie de 15,6 kWh, au lieu de 11,9 kWh, permettra de gagner 25 ch et près de 10 km de rayon d’action zéro émission. La DS9 réserve un parfait compromis confort-efficacité. Elle n’est pas un modèle d’agilité et le rappelle par des mouvements amples lorsque l’on force la cadence.
L’avis du Figaro
Pour certains, sa silhouette manque de caractère. Pour d’autres, c’est l’assurance de se déplacer en toute discrétion. Sur bien des points, la DS9 est perfectible (design de l’instrumentation, complexité de la navigation dans l’écran central) mais ne boudons pas notre plaisir de voir enfin une marque française se rapprocher des références allemandes et même les dépasser dans le domaine du confort et du raffinement intérieur en exhibant un art de vivre à la française. À la fin de l’année, elle sera même disponible, comme la 508 PSE, avec la motorisation hybride rechargeable de 360 chevaux lui permettant d’accéder à la transmission intégrale. Voici bien longtemps qu’un modèle français ne s’était pas hissé à un tel niveau de prestations.