Chaque jour, Le Figaro vous fait revivre les changements de la société française des dernières décennies à travers les grandes campagnes de la publicité automobile.
Ouf! Le bug de l’an 2000, qui devait faire tourner en bourrique les puces électroniques, n’a pas eu lieu. N’y voyez aucun lien, mais dans les derniers jours de décembre 1999, la France est traversée par deux tempêtes d’une rare violence. Sont-ce les prémices du dérèglement climatique? Ces ouragans sèment la désolation.
Le monde est devenu fou. Le 11 septembre 2001, il se réveille groggy. Des terroristes détournent des avions de ligne ; deux d’entre eux s’encastrent dans les tours jumelles du World Trade Center de New York. Ce jour-là, les pays développés ont perdu leur ingénuité. Rien ne sera jamais plus comme avant. Au même moment, un vent de panique gagne les allées du Salon de Francfort où se tient, en présence de tous les acteurs du secteur automobile, la première journée presse. BMW y présente sa nouvelle Série 7. Ce modèle révolutionnaire fait entrer l’automobile dans le XXIe siècle. Y a-t-il encore un pilote au volant? Big Brother s’installe dans l’habitacle. Toutes les fonctions du véhicule sont regroupées dans un écran de contrôle. La circulation dans les menus s’effectue via une molette rotative dont le maniement s’apparente à celui d’une souris d’ordinateur. Une première.
» LIRE AUSSI – Années 1990: le réenchantement du rêve automobile
Il va falloir s’y faire: les assistances électroniques à la conduite pallient les faiblesses et les négligences du conducteur. Leur multiplication est un symbole de modernité. Cela ressemble à un inventaire à la Prévert: contrôle de trajectoire, antipatinage, allumage automatique des feux, détecteur de pluie, caméra de recul, vision nocturne à infrarouge, clé de démarrage électronique, régulateur de vitesse intelligent, alerte de franchissement de ligne, surveillance de la vigilance du conducteur et des angles morts, affichage tête haute, indicateur de pression de pneus. Avant la fin de la décennie, la voiture, devenue décidément très intelligente, se met à lire les panneaux routiers, à réguler automatiquement l’intensité du faisceau lumineux des projecteurs, à freiner automatiquement sur autoroute pour éviter un obstacle. De toute façon, qui a encore envie de conduire? Les politiques ont instillé dans les esprits que l’automobile tue et pollue.
La vitesse, mère de tous les vices
Au Mondial de l’automobile 2002, à l’aube de son second mandat, Jacques Chirac annonce s’attaquer au fléau de la mortalité routière à travers un vaste programme répressif. Dans le viseur: la vitesse. Rien que la vitesse. À partir de 2003, une armada de radars automatiques pousse au bord des routes. Ces boîtes, qui devaient être déployées sur les endroits les plus accidentogènes du réseau routier, s’installent finalement là où cela rapporte le plus d’argent. Le rêve automobile est brisé. Les Français lèvent le pied. Le bilan est divisé par deux, mais le compteur est irrémédiablement bloqué depuis plusieurs années au-dessus des 3000 morts par an. «La vitesse n’a plus le droit de cité dans les publicités. Les caractéristiques techniques de puissance et de moteur ne sont plus déterminantes. Dans le même temps, la femme est de plus en plus prescriptrice, et la performance n’est pas sa priorité», explique Anne Magnien, enseignante à Sup de Pub.
» LIRE AUSSI – Années 1980: le fric, c’est chic
L’automobile n’est plus un symbole de réussite. L’objet se banalise. «Les publicités ne parlent plus vraiment de voiture», ajoute l’ex-coproductrice de l’émission «Culture Pub». Les années 2000 ouvrent une période de questionnement qui transpire dans les campagnes de communication. «À quoi cela sert de se déplacer?», s’interroge Jean-Emmanuel Cortade de la Saussay, un expert des études de marché marketing. «La digitalisation de masse impose un changement de paradigme. Le point de bascule se situe en 2004 lorsque plus de 50 % de la population dispose de l’internet à la maison. La voiture est prise dans un double contexte avec, d’une part, la digitalisation, qui remet en cause la notion même de déplacement, notamment en ville, et un nouveau terrorisme qui utilise les moyens de transport comme cible ou arme. Dans cette société où la voiture est menacée dans sa fonction première, on invente autre chose pour justifier son utilité. La publicité emploiedésormais un argument serviciel. La voiture devient secondaire. Elle n’est plus un objet de mobilité mais un objet de service. On assiste à l’explosion des systèmes embarqués», poursuit le sociologue. Aux performances se substituent les valeurs de maniabilité et d’agilité. Dans les villes congestionnées, ce qui compte, c’est de pouvoir stationner facilement, mais aussi de respirer mieux. La montée des préoccupations environnementales monopolise les discours. Responsables du réchauffement climatique, les émissions de CO flambent. Le cas aussi du prix du baril de pétrole.
La Commission européenne sert la vis. Elle impose une baisse moyenne des émissions de CO à 140 g/km pour 2008. La France joue les bons élèves. Dès le 1er juillet 2006, elle taxe de 2 euros le gramme de CO à partir de 200 g, et de 4 euros au-delà de 250 g. Ce n’est que le début. Pour certains, cela ne fait aucun doute: l’avenir de l’automobile sera électrique. Renault prend les devants et annonce dès la fin 2009 un programme ambitieux d’électromobilité. La crise économique de fin 2008 découlant de la crise des subprimes donne l’opportunité d’accélérer la réduction des émissions de CO. La France vient en aide à la filière automobile avec une prime à la casse qui amortit la chute des ventes. La fiscalité va conditionner durablement le marché.
La Nissan Qashqai, la voiture de la décennie
Présentée au Mondial de l’automobile de 2006 et commercialisée début 2007, la Nissan Qashqai (prononcez «cache-kaï») est un drôle d’engin. Ni une berline, ni un 4 x 4, ni un monospace, ce véhicule, que les Américains appellent crossover, est plutôt un mélange des trois. Pur produit marketing, cette berline surélevée, conçue et produite en Angleterre, est censée répondre aux attentes d’une clientèle lassée des automobiles conventionnelles. La greffe prend tout de suite. Les automobilistes adhèrent à ce modèle qui a tout du couteau suisse: prestations routières de berline, assise surélevée et garde au sol de SUV. Le Qashqai est disponible en essence et diesel (de 115 à 150 ch), avec deux ou quatre roues motrices. Pionnier des SUV modernes, le Qashqai s’est écoulé à plus de 3 millions d’unités en Europe depuis 2007, dont 300.000 rien qu’en France.