Renault nous propulse dans le monde de demain et d’après-demain. Tout premier véhicule du nouveau président de Renault, Luca de Meo, et de son designer, Gilles Vidal, le Scenic Vision est un concept pluriel. Il annonce non seulement les formes de la prochaine génération du Scenic mais lève également un coin de voile sur les technologies et la nouvelle manière de concevoir les automobiles pour atteindre l’objectif de neutralité carbone du groupe en Europe en 2040. C’est ainsi que l’empreinte carbone de ce prototype zéro émission est réduite de 75 %, comparée à un modèle électrique classique. Cette performance découle d’une conception reposant à plus de 70 % sur des matériaux recyclés et renouvelables et à taux de recyclabilité de 95 % en intégrant les composants de la batterie.
Premier constat: il ne reste pas grand-chose du monospace compact que Renault a inventé au milieu des années 1990. Cette silhouette familiale, on le sait, ne fait plus recette et a cédé sa place dans le cœur des automobilistes au SUV. Dans la gamme du constructeur de Boulogne, ce rôle sera bientôt dévolu à l’Austral. Pour succéder au Scenic actuel, les équipes de Gilles Vidal ont imaginé des formes qui croisent les influences et les concepts. «Il fallait conserver les avantages du monospace dans des lignes qui véhiculent une allure plus moderne et plus technologique», explique le responsable du style. Le prochain Scenic se présente comme un mutant de la berline. La recherche d’une plus grande efficience, l’un des défis majeurs de l’industrie automobile, s’illustre à travers un pavillon abaissé de 100 mm.
Annonçant à 95 % les lignes de la cinquième génération du modèle phare de Renault, ce prototype de 4,49 m rompt avec les rondeurs du modèle actuel. Alors que l’avant évoque la nouvelle Mégane électrique, les formes sont plus sculptées, les angles plus vifs, les nervures plus marquées. Difficile de ne pas être convaincu par ce style éminemment agressif, même si le traitement de la poupe manque de personnalité, renvoyant volontiers aux dernières réalisations de Volkswagen et de Cupra. Le Scenic Vision témoigne de l’obsession de la réduction de l’empreinte carbone, jusque dans le choix de la peinture de la carrosserie. La teinte noire, qui ajoute un côté Batmobile à ce concept, découle de l’utilisation de pigments de carbone issus des déchets de l’industrie aéronautique. Quant aux éléments de la carrosserie – acier, aluminium et plastiques -, ils sont tous recyclables en fin de vie. La structure de la voiture emploie ainsi de l’acier recyclé à 95 %.
Un plancher en bouteilles de lait
L’absence de pied milieu et les portes antagonistes, comme chez Rolls-Royce, participent à la flamboyance des concepts et à nous projeter dans un habitacle qui constituera la norme Renault à l’horizon 2028. Alors que les sièges font davantage référence à l’univers du mobilier contemporain qu’à celui de l’automobile, la planche de bord, telle qu’on la connaît aujourd’hui, disparaît. L’ambiance est particulièrement épurée. Le volant, qui semble sortir d’un film de science-fiction, est surmonté d’un bloc translucide en plexiglas recyclé à 40 % sur lequel sont arrimés des widgets, de minuscules écrans tactiles paramétrables et dédiés chacun à une fonction précise. Au total, dix carrés numériques sont disséminés à l’avant. Les informations essentielles à la conduite sont diffusées sur un écran panoramique installé à la base du pare-brise. Spécialiste de la musique électronique, Jean-Michel Jarre a défini la signature sonore du concept.
Cet habitacle techno est une invitation à respecter scrupuleusement le tri sélectif. Le plancher est composé à 45 % de bouteilles de lait recyclées et à 55 % de conduits de plomberie en plastique. La bonne gestion des ressources et le respect de l’environnement ont également conduit à se passer de cuir. Alors que la structure des sièges a été récupérée sur une Mégane RS en fin de vie, les mousses, le textile et les coutures sont réalisés à partir de polyester 100 % recyclé et recyclable. Vœu pieux ou volontarisme débridé? Tout à sa volonté de réduire les accidents de 70 %, Renault a décidé de placer le conducteur sous haute surveillance et de traquer ses défauts de vigilance. Sa conduite est notée et un assistant lui prodigue des conseils. On ne sait pas si les pilotes de F1 de la maison, Fernando Alonso et Esteban Ocon, ont été mis à contribution, mais cette incursion de l’intelligence artificielle dans le comportement ne manque pas d’interpeller.
Une batterie de petite taille
Le Scenic Vision explore de nouvelles voies en matière de motorisation zéro émission que Renault pourrait déployer après 2030. Partant du constat qu’il fallait réduire la taille de la batterie non seulement pour alléger les véhicules mais aussi pour préserver les ressources naturelles en quantité limitée, les ingénieurs ont imaginé de faire plus avec moins. C’est ainsi que la motorisation électrique à batterie s’adjoint un prolongateur d’énergie fonctionnant à l’hydrogène. Avec ce système, Renault entend résoudre le casse-tête des temps de recharge en itinérance. Le moteur électrique de 160 kW, placé sur l’essieu arrière et alimenté par une batterie de 40 kWh, est privilégié pour les courts trajets. Pour les longs parcours, le véhicule s’appuiera sur la pile à combustible de 16 kW installée sous le plancher et fonctionnant à l’hydrogène stocké à l’avant dans un réservoir de 2,5 kg de contenance. Cette technologie assurerait 800 km d’autonomie. Là encore, les ingénieurs font le pari qu’au début de la prochaine décennie, on sera capable de produire de l’hydrogène vert en grande quantité et d’en trouver dans de nombreuses stations-service. Le prolongateur d’énergie assure également la mise en température de la batterie.
À travers le concept Renault, on perçoit que les constructeurs sont engagés dans un processus de transformation profond. Mais la transition écologique ne sera vraiment réussie que si personne n’est laissé au bord du chemin et que si la concertation l’emporte sur la contrainte.