Les apparences sont parfois trompeuses. Si le véhicule électrique paraît prohibitif à première vue, une analyse plus approfondie démontre le contraire. Groupe de réflexion du groupe BNP Paribas, l’Arval Mobility Observatory publie chaque année une étude sur l’évolution des coûts. Ces spécialistes embrassent l’ensemble des lignes budgétaires nécessaires à l’exploitation d’un véhicule d’entreprise: dépréciation, frais financiers, entretien, pneus, assurance, énergie et charges fiscales et sociales. Avec l’ensemble de ces paramètres, le match entre électrique et thermique tourne à chaque fois à l’avantage du premier même si celui-ci affiche des prix catalogue beaucoup plus élevés.
Sur le segment des citadines, la Renault Twingo électrique est vendue 22 100 euros auxquels il faut retirer les 4 000 euros de bonus quand son homologue essence est affichée à 14 300 euros. En prenant en compte le coût total d’utilisation et avec une règle de roulage de 48 mois et 80 000 kilomètres, l’électrique revient à 18 104 euros contre 23 332 pour l’essence, soit une différence de 5 228 euros au bénéfice de l’électrique. Quel que soit le kilométrage, la version électrique sort gagnante et ce, malgré un prix d’achat supérieur de 3 800 euros bonus inclus. La fiscalité joue en faveur de la version décarbonée tout comme le coût de l’énergie dont le montant est près de deux fois moindre. La Twingo électrique échappe aux taxes annuelles sur les véhicules de tourisme, nouvelles moutures de la Taxe sur les Véhicules de Société (TVS) et n’est pas soumise aux amortissements non déductibles. La Twingo électrique s’acquitte de 1 343 euros de charges fiscales et sociales quand l’essence doit débourser 3 543 euros dont 1 030 de taxes annuelles sur les véhicules de tourisme. Et plus le kilométrage est important, plus le différentiel se creuse.
Une fiscalité avantageuse
L’étude du groupe de réflexion s’élargit à d’autres segments du marché automobile avec le même constat à la clé. Malgré un prix supérieur de 8 260 euros (bonus inclus), la Fiat 500 électrique ressort également en tête face à la version micro-hybride et ce, à tous les kilométrages étudiés à l’exception des 60 000 kilomètres. Là encore, la fiscalité penche en faveur de la version la plus verte tout comme le budget énergie dont le montant varie de 2 900 à 4 200 euros de 60 000 à 120 000 kilomètres. Les charges fiscales et sociales de la Fiat 500 électrique s’élève à 1 853 euros contre 3 267 pour la version micro-hybride.
La Peugeot 208 Allure est vendue au prix de 30 700 euros (bonus inclus) dans sa déclinaison électrique, 22 350 dans sa version essence et 23 850 en diesel. De 60 000 à 120 000 kilomètres, la version branchée s’avère plus économique en prenant en compte l’ensemble des coûts d’utilisation. Même résultat pour le Peugeot 2008, la Citroën C4, la Renault Mégane ou l’ID.3 confrontée à des Golf hybrides rechargeables, essence et diesel. Pour le SUV Peugeot et selon le kilométrage, le coût de l’énergie varie de 2 930 à 4 180 euros pour l’électrique, de 5 522 à 11 044 pour l’essence et de 4 418 à 8 836 pour le diesel. La version essence affiche des consommations de 5,9l/100 km et le diesel, de 4,8 l/100 km.
Pour la Citroën C4, l’électrique, l’essence et le diesel doivent s’acquitter respectivement de 1 309, 9 110 et 9 632 euros de charges sociales et fiscales. L’exonération des taxes annuelles sur les véhicules de tourisme joue bel et bien un rôle déterminant.
Une valorisation plus difficile sur le marché VO
Si la fiscalité et l’énergie plaident en faveur de l’électrique, la dépréciation du véhicule reste le premier poste de dépense d’un véhicule. Toujours selon l’Arval Mobility Observatory, il a représenté 39,12 % du coût total d’utilisation d’un véhicule d’entreprise en 2021, soit 15 481 euros sur 48 mois. Ce montant prend en compte le prix catalogue avec remise diminuée de la valeur prévisible de revente sur le marché de l’occasion à l’issue de la période de détention.
Pour les véhicules électriques, le calcul de la valeur résiduelle prend en compte le bonus écologique de 4 000 euros. Affiché 45 000 euros, un véhicule décarboné sera estimé 41 000 euros par les organismes de financement. La différence avec le prix de revente sur le marché de l’occasion diminue, la valeur résiduelle baisse et les loyers partent à la hausse.
Autre élément à prendre en compte, coûteuses à l’achat, les technologies se valorisent mal sur le marché de l’occasion. «Le surcoût des technologies électriques atteint 8 à 10 000 euros sur le prix affiché au catalogue, explique Yoann Taitz, responsable régional estimations et données d’Autovista pour la France et le Benelux. Or plus ce montant va être élevé, plus la dépréciation va être importante et plus la valeur résiduelle va être faible.» Là encore la dépréciation va à l’encontre de la compétitivité économique de l’électrique.
L’environnement impacte également les valeurs résiduelles. L’instauration des Zones à Faibles Emissions stimule la demande quand les difficultés rencontrées pour la recharge agissent en sens inverse. «En revanche, récupérer 80 % de l’autonomie en 15 à 20 minutes comme c’est le cas avec Porsche et les constructeurs coréens rehausse les prix sur le marché VO», précise Yoann Taitz.
Un écart de 20 % sur les valeurs résiduelles
Face à la pénurie de composants électroniques, à l’allongement des délais de livraison sur le marché du neuf et à l’augmentation des prix des carburants, le véhicule électrique d’occasion bénéficie d’un intérêt grandissant. «Depuis janvier, les valeurs résiduelles des véhicules électriques augmentent fortement et de manière continue tout en restant inférieur à celles des modèles thermiques, précise Yoann Taitz. Sur 36 mois et 45 000 kilomètres et à véhicule comparable, la différence s’établit à 20 %.»
Selon Autovista, sur le critère du coût total d’utilisation, l’électrique est plus attractif que le thermique. Sur 36 mois, le spécialiste des données automobiles estime l’écart à 1 500 ou 2 000 euros avec le diesel et à 1 000 euros avec l’essence.
Loueur longue durée du groupe BMW, Alphabet voit ses commandes de véhicules électriques exploser. Avec cette technologie, les durées et les kilométrages des contrats raccourcissent et s’établissent à 12 000 kilomètres par an. À la tête de 100 000 véhicules en France, Alphabet pointe les avantages économiques de l’électrique. «Les loyers financiers associés aux services représentent la moitié du TCO en moyenne, calcule Julien Chabbal, directeur des ventes et marketing. L’entretien et les pneumatiques favorisent l’électrique par rapport au thermique. Mais c’est surtout l’énergie et la fiscalité incitative qui font pencher la balance du côté de l’électrique.»
Une maintenance allégée
Autre critère d’appréciation, un moteur électrique intègre moins de pièces qu’un bloc thermique, les points de friction sont moins nombreux et sa fiabilité est supérieure. Dans ces conditions, les pannes sont moins nombreuses et l’entretien demande moins d’interventions. Autre avantage, l’électrique suppose une conduite plus apaisée qui permet de préserver les freins et les pneumatiques.
Spécialiste de la gestion de flottes pour le compte des entreprises, Direct Fleet prend en compte l’ensemble des coûts et considère le poste de l’énergie comme étant particulièrement différenciant. Avec un plein de kilowatts meilleur marché, essence et diesel sont disqualifiés et la différence se creuse quand l’utilisation est plus intensive. Pour Direct Fleet, le thermique est plus compétitif à moins de 1 000 kilomètres par mois, les coûts s’équilibrent à 2 000 kilomètres et l’électrique prend l’ascendant à partir de 3 000 kilomètres.
Lorsque l’autonomie des batteries répond aux besoins des utilisations, les entreprises n’ont aucune raison économique de rejeter l’électrique. Seul bémol, mais de taille, la question de la recharge freine encore les ardeurs avec un réseau de bornes publiques encore trop atomisé.