Ce n’est pas une 250 LM comme les autres, mais la plus prestigieuse de la série des trente-deux prototypes produits par Ferrari entre 1963 et 1966. Portant le numéro de châssis 5893, cette splendide berlinette à moteur V12 3,3 litres en position centrale arrière est entrée dans la légende en signant la neuvième victoire de Ferrari aux 24 Heures du Mans en à peine seize ans. De 1949 à 1965, la firme de Maranello a largement dominé la plus grande épreuve d’endurance automobile au monde. Mais, signe de la complexité de la course mancelle, Ferrari doit ensuite patienter cinquante-huit ans avant d’accrocher un dixième titre. C’était l’an dernier, à l’occasion de l’édition du centenaire du Mans. Et cette année, un onzième trophée est venu s’ajouter.
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En 1965, l’affiche des 24 Heures s’annonce comme un nouvel épisode du duel Ferrari-Ford. Le constructeur américain, qui rêve plus que tout de faire mordre la poussière à l’artisan italien, a dépêché une armada de prototypes. Pour ces deux adversaires, ce sera l’hécatombe. Leurs voitures officielles abandonnent les unes après les autres. Un autre scénario s’impose. La lutte pour la victoire oppose les déjà dépassées 250 LM: la jaune de l’écurie Francorchamps du belge Jacques Swaters et la rouge de l’écurie américaine du Nart (North American Racing Team) dirigée par Luigi Chinetti.
Au volant de la berlinette portant le numéro de course 21, l’écurie américaine a fait le pari de l’expérience et de la fougue. Le bouillant américain Masten Gregory partage le volant de la LM avec le jeune espoir et fougueux Autrichien Jochen Rindt. Après un début de course retardé par leur démarreur puis par leur condensateur, les deux pilotes n’ont d’autre stratégie que de foncer, pied au plancher. Dimanche midi, la LM rouge n’est plus qu’à un tour de la LM jaune. Dans le camp américain, on commence à y croire, d’autant que Rindt ne ménage pas sa monture, alignant les tours à une cadence de grand prix.
C’est finalement le déchapage de la LM numéro 26, dans la ligne droite des Hunaudières, qui décidera du vainqueur. C’est la magie du Mans: avec une avance de près de six tours, Gregory et Rindt, dont personne n’avait pronostiqué la victoire, triomphent. Les deux compères ont eu chaud. Donnant déjà des signes de fatigue à une heure de l’arrivée, le différentiel finit par perdre toutes ses dents peu après le passage du drapeau à damiers. Entrée dans l’histoire, la LM 5893 reviendra, sous les couleurs du Nart, fouler le sol sarthois à deux reprises, en 1968 et en 1969, mais sans éclat.
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Depuis 1972, la neuvième Ferrari victorieuse dans la Sarthe avait pris une retraite bien méritée au sein de la collection du musée du circuit d’Indianapolis. Tout arrive, même l’invraisemblable. Cinquante-deux ans après, la LM s’apprête à quitter le musée de la plus célèbre des courses américaines. Outre la Ferrari, ses gardiens ont décidé de se séparer d’un autre chef-d’œuvre de la compétition: l’une des monoplaces Mercedes que l’Argentin Juan Manuel Fangio a pilotée en grand prix.
Combien vaut la LM 5893 que la maison anglo-saxonne RM Sotheby’s va mettre aux enchères cet automne? Sans doute bien au-delà des 20 millions d’euros estimés mais la question est presque accessoire. Le plus important est que ce morceau de l’aventure plus que centenaire des 24 Heures du Mans se retrouve sur le marché.