La voiture électrique est-elle vraiment plus économique à l’usage qu’un modèle thermique? Depuis quelques années, l’Arval Mobility Observatory réalise une étude sur ce sujet. Appelée TCO Scope, elle compare le coût de possession (Total Cost of Ownership en anglais) des deux énergies, aussi bien pour les véhicules particuliers que les utilitaires. Et les résultats de la dernière édition, parue fin septembre 2024, sont sans équivoque. Dans l’ensemble, ce sont les véhicules particuliers électriques qui remportent ces duels. En revanche, côté utilitaire, les résultats sont nettement en faveur du thermique.
Ainsi, selon l’étude, qui se base toujours sur une période de détention de quarante-huit mois, le Peugeot 2008 microhybride se révèle «mieux disant» – de très peu – sur les plus faibles kilométrages (60.000 km et 80.000 km), en raison d’un loyer plus modéré, que ne compensent ni le budget énergie ni la fiscalité propre à l’électrique. Mais dès que l’on passe sur des kilométrages plus élevés (100.000 km et 120.000 km), le e-2008 devient plus avantageux grâce à un meilleur prix de revient kilométrique avec un écart respectif de 25 % à 44 % par rapport au thermique.
Une victoire à relativiser
Sur le segment C, avec comme choix la Renault Mégane, là aussi l’électrique remporte ce comparatif. Elle est certes 6250 € plus chère à l’achat, son loyer est plus élevé de 18 %, mais elle affiche des budgets énergie et entretien respectivement inférieurs de 60 % et 50 %. En outre, elle ne souffre pas du malus (983 €) de la version TCe 140 et les cotisations sur les avantages en nature (AEN) sont deux fois moins élevées.
Côté SUV, très prisé des collaborateurs, l’étude a notamment retenu le Peugeot 3008. Pour rappel, ce dernier figure parmi les véhicules les plus vendus sur ce segment. En dépit d’un prix très supérieur (6500 €) à la version à hybridation légère et d’un écart de remise de plus de 10 points, le coût de l’énergie, la fiscalité et les amortissements déductibles jouent en la faveur du e-3008. Mais cette victoire reste à relativiser. L’écart est en effet malgré tout assez faible: en moyenne 0,03 €/km, quel que soit le kilométrage.
» LIRE AUSSI – Voitures électriques: pourquoi les constructeurs refusent de faire marche arrière
Enfin sur le segment des routières, le cas de la BMW i4 comparée aux Série 3 thermique et hybride rechargeable (PHEV) est intéressant. La i4 électrique ressort gagnante, malgré un prix catalogue avec options nettement supérieur, souligne l’étude. Une victoire rendue possible grâce à un meilleur taux de remise que ses concurrentes, ce qui reste rare aujourd’hui. À cela s’ajoute un coût de l’énergie inférieur de 30 % à 50 % selon les motorisations, un malus de 3120 € sur l’essence sans oublier la TVU (ex-TVS) qui touche aussi l’hybride et des cotisations plus légères sur les avantages en nature.
Hormis les utilitaires, cette étude semble donc plaider en faveur de l’électrique. «C’est un peu plus compliqué que cela», tempère Régis Masera, directeur de l’Arval Mobility Observatory et du Consulting France chez Arval BNP Paribas Group. Même si le TCO d’un modèle électrique est globalement plus favorable par rapport à celui d’un thermique, la différence a tendance à se réduire comme peau de chagrin. «L’écart est fragile, note-t-il. La suppression du bonus pour les entreprises depuis le 14 février dernier a clairement mis un coup d’arrêt au déploiement du véhicule électrique.» Il rappelle que «dans un marché BtoB en baisse de 3,6 % depuis le début de l’année (VP+VU), l’électrique ne représente que 11,3 %, une part de marché qui stagne». En outre, il souligne que «la hausse du coût de l’électricité a été un mauvais signal envoyé aux entreprises alors que l’essence ou le diesel ont vu leur prix à la pompe se stabiliser, voire baisser».
Pas d’adhésion massive
Le budget concernant l’installation des bornes a lui aussi augmenté, d’autant plus que ce poste ne dispose plus d’aides de la part de l’État. Autre facteur d’inquiétude: le prix des véhicules. «Les prix catalogue restent, à date, insuffisamment atténués par des remises adéquates, comparées aux pratiques sur les motorisations thermiques, observe-t-il. Les constructeurs communiquent beaucoup sur des modèles à 25.000 €, comme la Citroën ë-C3 ou la version d’entrée de gamme de la Renault 5, mais les prix demeurent encore élevés pour des voitures d’entreprise.» Enfin, les valeurs résiduelles des électriques s’avèrent encore trop instables, ce qui entraîne des loyers pas suffisamment bas pour réellement creuser l’écart.
» LIRE AUSSI – Voiture électrique: autopsie d’une panne
Malgré tous ces freins, cette étude participera-t-elle à augmenter l’électrification du parc? «Les gestionnaires des grandes entreprises travaillent déjà beaucoup dans ce sens», insiste Régis Masera. Alors comment expliquer que la part de marché de l’électrique dans le BtoB soit plus faible que sur le marché des particuliers (17 % à fin octobre 2024 NDLR)? Les raisons sont multiples. «Les entreprises proposent dans leur car policy des véhicules électriques, mais ils sont rarement choisis par les collaborateurs, explique-t-il. Car si ces derniers sont dans l’attente de cette transition énergétique, il n’existe pas pour autant d’adhésion massive pour l’électrique. En cause, les problèmes d’autonomie, les bornes de recharge, bref autant de points qui, en fonction des usages, incitent les utilisateurs à se tourner vers l’hybridation. En parallèle, le problème est fiscal ; les entreprises manquent de visibilité, elles préfèrent donc retarder leurs achats.»
Pourtant, comme le montre le TCO Scope, de nombreux éléments plaident en la faveur de l’électrique: «un budget entretien en général inférieur de moitié à celui des modèles thermiques et un mécanisme global de la fiscalité, en particulier sur les avantages en nature, favorable», peut-on lire dans l’étude. «À condition que ces derniers points ne soient pas remis en cause dans la future loi de finances», glisse Régis Masera qui y verrait un très mauvais signal auprès des entreprises. Si le gouvernement continue à raboter le soutien à l’électrique et qu’en parallèle, les prix des véhicules électriques ne baissent pas de façon significative, certains acteurs craignent que dès l’année prochaine, les véhicules thermiques, en l’occurrence les hybrides, affichent un TCO inférieur à celui des électriques. Un comble.
» LIRE AUSSI – Automobile: les systèmes de recharge gagnent en intelligence
Si le coût de détention d’un véhicule particulier électrique est plus intéressant, c’est clairement moins le cas dans l’utilitaire. Le TCO Scope montre que dans deux segments sur trois (petits, moyens et grands fourgons), le diesel reste la solution économiquement la plus rentable. En cause: les différences de prix qui atteignent généralement les 10.000 € et des leviers fiscaux bien moins intéressants que ceux pratiqués pour les VP. Selon le kilométrage, les écarts peuvent être multipliés par trois, comme c’est par exemple le cas pour le Citroën ë-Jumper. Seul le Renault Trafic, numéro un des ventes sur son segment, voit sa version électrique prendre le dessus, mais seulement à partir de 80.000 km.
Il s’en sort notamment grâce au bonus et au poste entretien, plus faible de 50 % par rapport à la version diesel. Sur le marché de l’utilitaire, l’électrique peine à décoller ; cette technologie n’a représenté que 7,7 % de part de marché (à fin juin 2024) alors que quasiment tous les constructeurs, quel que soit le segment, proposent une déclinaison électrique de leurs modèles. «Le prix catalogue, les faibles remises commerciales et les faibles avantages fiscaux ne plaident pas en sa faveur», commente Régis Masera. L’arrivée des marques chinoises, comme Maxus ou BYD, dans un avenir proche, changera-t-elle la donne?