Le lancement d’une nouvelle Moto Guzzi constitue un petit événement. La firme sise à Mandello del Lario, sur les bords du lac de Côme, a beau avoir intégré le puissant groupe Piaggio en 2004, sa gamme a continué d’évoluer en douceur, sans jamais renier son passé.
Ainsi, depuis la V7 de 1963, la production de la marque à l’aigle est restée fidèle au V-twin longitudinal et à la transmission finale par cardan. Si le moteur de la V7 originale était issu d’un engin agricole, il a connu de nombreuses évolutions et déclinaisons, notamment sportives dans la mythique série Le Mans.
De compétition, il n’en est aujourd’hui plus question, ce domaine étant réservé à la jeune marque Aprilia, elle aussi passée dans le giron de Piaggio. Le moteur de la V9 que nous découvrons aujourd’hui utilise donc des solutions techniques largement éprouvées, à défaut d’être performantes. Dérivé du bloc de la V50 de 1977, ce V2 reste culbuté et coiffé par des culasses à 2 soupapes par cylindre. Malgré une cylindrée portée à 853 cm3, sa puissance ne dépasse pas 55 ch. Un moteur sage pour une moto sage. Le système antipatinage monté en série en deviendrait presque superflu, si les pneus d’origine, des Pirelli Sport Demon, n’étaient pas aussi glissants sur route mouillée.
La V9 ne remplace pas le petit roadster V7, elle le seconde. D’inspiration custom, elle succède plutôt aux 750 Nevada et 940 Bellagio, et se pose davantage en rivale d’une Harley-Davidson Sportster 883 Iron que d’une Triumph Street Twin.
L’esprit custom se traduit par une selle relativement basse (785 mm), des repose-pieds avancés, et une roue arrière de 16 pouces. La V9 connait en outre deux déclinaisons. Une version Roamer avec une roue avant de 19 pouces chaussée d’un pneu étroit (100 mm), et une version Bobber avec une roue avant 16 pouces équipée d’un pneu large (130 mm).
Pour notre essai, notre choix s’est porté sur la Roamer, au pilotage plus naturel. Premier constat, le dessin de la selle et du réservoir n’est pas sans évoquer la 850 T3 de 1975. Mais, le gabarit de la V9 s’avère nettement plus compact, et son bidon ne contient d’ailleurs que 15 litres de carburant.
En contrepartie, l’étroitesse de la machine est agréable. La prise en mains est aussi facilitée par la selle basse et le large guidon en cornes de vache. Las, le pilote se retrouve avec les genoux dans les cylindres. Ce défaut, jamais observé avec la V7, résulte de l’avancée des commandes au pied. Une parade consiste à se reculer sur la selle, en tendant les bras, mais ce n’est pas très académique et cela interdit le duo.
Sur route, le bon équilibre de la Guzzi fait oublier un poids qui dépasse les 213 kg tous pleins faits. Sa maniabilité est certes limitée par la grande roue avant de 19 pouces et un angle de chasse prononcé, mais la faible largeur des pneus limite ce handicap.
La faible puissance du moteur est, elle, compensée par une belle souplesse et un joli caractère, ce qui distingue le V2 italien de certaines productions japonaises. Bon sang ne saurait mentir, la V9 oscille dans le cadre à chaque rotation de la poignée de gaz. Sa sonorité est bien inspirée, tout en restant raisonnable dans le cadre d’une utilisation urbaine. La boîte est bruyante, mais elle a gagné en douceur. L’embrayage à sec et le cardan se font oublier.
Le faible débattement des amortisseurs et la selle plate limitent forcément le confort. La V9 s’avère plus frimeuse que voyageuse. L’effort accompli par Moto Guzzi pour améliorer la finition est visible. Certains accessoires, semblables à ceux que l’on trouvait déjà sur une Guzzi dans les années soixante-dix, ajoutent à l’authenticité de la machine.
Nettement plus moderne et totalement décalé de l’esprit rétro de la moto, pour disposer d’un compte-tours, il faut accrocher son smartphone au guidon et télécharger une application dédiée qui renseigne aussi la vitesse, la puissance, le couple, la consommation, la vitesse moyenne, le voltage de la batterie, l’accélération longitudinale, etc…
La V9 n’est pas parfaite, mais c’est ce qui fait son charme. À près de 10.000 € l’exemplaire, elle n’est pas non plus donnée mais c’est sans doute le prix à payer pour rouler avec une machine produite en Italie. Si vous vous sentez prêts à succomber à son style délicieusement rétro, nous conseillons d’en prendre le guidon avant de signer le bon de commande. Indispensable, afin de vérifier si vous pourrez vous habituer à son ergonomie singulière. Si rouler en Moto Guzzi vous tente mais que vous avez les genoux fragiles, n’oubliez pas que la V7, vendue 1.000 euros de moins, demeure au catalogue.
Fiche technique
Moteur: V-twin culbuté à 90°, 2 soupapes par cylindre, 853 cm3
Puissance: 55 ch à 6.250 tr/mn
Couple: 62 Nm à 3.000 tr/mn
Transmission: boîte 6 rapports + cardan
Hauteur de selle: 785 mm
Réservoir: 15 litres
Poids: 213 kg tous pleins faits
Consommation: 5,3 l/100 km (en essai)
Prix: 9.980 €
