Les engins à trois roues ne sont pas nombreux sur nos routes. Le plus imposant est sans conteste le Spyder Can-Am, lancé en 2007, dont le train avant est presque aussi large que celui d’une voiture. Yamaha, pour sa part, s’y est essayé voici quatre ans, avec le Tricity, un petit engin urbain. Mais le plus connu demeure le Piaggio MP3, apparu fin 2006. En France, il a conquis des milliers d’utilisateurs, ravis de pouvoir chevaucher une machine aux performances de moto avec un permis auto.
Ne tournons pas autour du pot: trois roues, à quoi ça sert? Pour Yamaha, la réponse est simple: «procurer un maximum de performance dans les virages». Telle est l’idée à l’origine du Niken (prononcez Naï-ken, «deux sabres» en japonais). À l’arrêt, son physique trapu et ses longs bras supportant les deux roues avant lui valent l’air menaçant d’un véhicule sorti de La Guerre des Étoiles.
Le Niken, n’est pas un paisible tricycle utilitaire. Il est clairement orienté vers la performance. C’est tout simplement un gros cube, en l’occurrence la Yamaha MT-09 Tracer, dont la fourche a été remplacée par un train avant à deux roues. Avec une puissance de nettement plus de 100 ch, le bouillant moteur à trois cylindres du Niken lui assure de hautes performances malgré une prise de poids d’une cinquantaine de kilos par rapport à la moto de référence.
Rapide mise en confiance
Une fois en selle, l’appréhension à manier un tel engin se dissipe dès les premiers mètres parcourus. Les deux roues du train avant sont masquées par le carénage. Dépourvu de toute assistance hydraulique ou électrique, le mécanisme qui les dirige, appelé Leaning Multi Wheel (LMW), est si précis et équilibré qu’il donne le sentiment de n’en guider qu’une seule. Dès le premier virage, on mesure l’ampleur de la «révolution Niken»: la machine prend jusqu’à 45 °d’angle avec une facilité déconcertante. Ses deux roues avant de 15 pouces, équipées de pneus spéciaux fabriqués par Bridgestone, travaillent en parallèle. Elles procurent une meilleure adhérence que celle assurée par une unique roue. Ce «grip» rappelle celui du skieur appuyé sur ses carres lors d’un virage en «carving».
Important transfert de charge sur l’avant
Ce train avant articulé met si rapidement en confiance que les courbes s’enchaînent à un rythme de plus en plus soutenu. On se surprend à remettre de la puissance en plein virage. Poussé au-delà de ses limites, le Niken décroche progressivement pour tirer tout droit à la manière d’une voiture sous-vireuse. Il ne faut alors pas hésiter à le redresser et à freiner fermement, ce qu’il accepte parfaitement, même s’il est encore sur l’angle! Attention cependant au transfert de charge vers l’avant lors des forts ralentissements: il provoque un important délestage de la roue arrière, avec pour conséquence un déclenchement de l’antiblocage (ABS). En ligne droite, les deux roues avant assurent également une meilleure stabilité, évitant tout phénomène de «pendulage» aux allures élevées.
Pour le reste, le Niken possède toutes les qualités de la MT-09 Tracer. On apprécie ses raffinements techniques, comme l’accélérateur électronique et le «shifter» pour passer les vitesses sans débrayer ni couper les gaz. Le réservoir de 18 litres assure une autonomie de près de 300 km. La selle, pas trop haute (820 mm), se montre moelleuse et ergonomique. Le passager, moins bien traité, pestera contre un confort trop sommaire. «Nous avons choisi de présenter une première version du Niken sans aucun artifice. D’autres modèles plus équipés devraient venir enrichir la gamme», précise Éric de Seynes, président de Yamaha Europe et membre du comité de direction de la firme.
NOTRE AVIS
Yamaha est un défricheur de nouveaux territoires. Dragster civilisé, avec le célèbre V-Max des années 1980, scooter sportif avec le T-Max (2001), gros roadster bicylindre de 1 700 cm3 avec la MT-01 (2005), la marque n’a pas manqué d’audace depuis quelques décennies. Avec le Niken, le milieu motard, bien plus académique et conformiste qu’on ne l’imagine, va devoir réviser ses classiques. Il faut essayer le Niken pour l’apprécier. Yamaha l’a bien compris et prévoit un vaste programme d’essais pour initier les conducteurs de classiques deux-roues. À condition qu’ils disposent du permis moto: le Niken n’est pas un concurrent du MP3. On peut regretter que le Niken ne soit pas accessible aux jeunes motards, autorisés à piloter une machine d’une puissance maximale de 47,5 ch pendant deux ans. Sa stabilité et son agilité les interpelleraient à coup sûr. Mais si le Niken a du succès, Yamaha pourrait sans doute envisager une version moins vitaminée. Qui sait?
LA FICHE TECHNIQUE
Moteur: 3 cyl. en ligne, 847 cm3
Puissance: 115 ch à 10 000 tr/mn
Couple: 87, 5 Nm à 8 500 tr/mn
Transmission: boîte6 rapports + chaîne
Poids + Pleins: 263 kg
Réservoir: 18 l
Vitesse: plus de 220 km/h
Consommation en essai: environ 8 l/100 km
Prix: 14 999 €