Le mouvement des «gilets jaunes» a contraint les pouvoirs publics à reporter au 1er juillet le tour de vis devant être appliqué le 1er janvier au contrôle technique. Dans quelques mois, il s’agira de mieux cerner l’opacité des fumées, le mal des diesels roulant trop en ville, et de détecter les véhicules dont le filtre à particules (le FAP) est encrassé ou a été supprimé. De quoi obliger 15 % de ces véhicules à repasser une contre-visite. Cette mesure en préfigure une autre, bien plus contraignante, qui consistera en une mesure très précise de cinq gaz polluants rejetés par le pot d’échappement de nos voitures. Prévu à l’origine pour 2019, ce nouveau dispositif a été reporté à 2022, car les centres de contrôle technique éprouvent des difficultés à s’équiper des coûteux et indispensables appareils nécessaires à cette mesure.
Cette «sévérisation» de la réglementation trouve son origine dans les couloirs de Bruxelles. Mais sa diffusion parmi tous les États membres paraît inéluctable, sauf si les gouvernements décident de donner du temps au temps. Elle réjouit cependant les professionnels de la réparation automobile, pour lesquels, c’est la promesse d’une manne venant nourrir leurs ateliers. L’un des acteurs importants du secteur, dans un livret interne destiné aux membres de son réseau, parle même d’«opportunités de business liées au contrôle technique grâce à ses dernières évolutions». Pourquoi les garages et les centres d’entretien se frottent-ils ainsi les mains?
Nettoyer plutôt que remplacer
Tout simplement parce que le durcissement de la réglementation leur ouvre la juteuse perspective du décrassage des mécaniques. Ce marché de la dépollution est déjà estimé à un milliard d’euros en France. Un moteur sale déclenche en effet trois fois sur quatre une contre-visite. Les moteurs diesels (plus de 60 % du parc français, 24 millions de véhicules) se sont complexifiés. Ils sont aujourd’hui équipés de turbocompresseurs dotés de pales à géométrie variable, de filtres à particules et de vannes de recirculation des gaz d’échappement (EGR), destinée à abaisser le niveau des oxydes d’azote (NOx). Tous ces composants, auxquels s’ajoute le circuit d’admission, sont sujets à l’encrassement. Et peuvent donc causer d’éventuels problèmes lors du passage au contrôle technique.
Le nettoyage de ces éléments évite tout d’abord d’avoir à les remplacer. Cela peut représenter une économie de 350 euros pour une vanne EGR, et jusqu’à 1500 pour un filtre à particules et même 2000 euros pour un turbo. Deux méthodes existent pour nettoyer les moteurs. La première fait appel à des détergents (notre édition du 15 mai dernier), la seconde consiste à injecter de l’hydrogène dans le circuit d’admission. Ce procédé n’exige aucun produit chimique et ne nécessite pas de vidanger de l’huile du moteur après traitement, contrairement à l’utilisation de produits lessiviels, qui risquent de s’infiltrer dans le lubrifiant pendant l’opération.
Celle-ci dure une bonne heure, pendant laquelle le véhicule tourne au ralenti. Sur une voiture diesel représentative du parc automobile national, totalisant 160.000 kilomètres, les analyses de dépollution indiquent une baisse considérable des émissions polluantes dans l’air après traitement. Les valeurs concernant le dioxyde de carbone (CO2), le monoxyde de carbone (CO) et les oxydes d’azote (NOx), trois gaz considérés comme très nocifs en matière de santé publique, chutent respectivement de 28,3 %, 68,42 % et 47,5 %. La puissance du moteur augmente pour sa part de près de 8 % (172,45 ch contre 159,7 auparavant).
Les moteurs à essence également touchés
Le décrassage va-t-il devenir une étape obligatoire avant chaque passage au contrôle technique? Le verdict d’un test récent effectué sur un véhicule immatriculé début 2018, et ayant parcouru seulement 12.775 kilomètres, n’aurait pas permis à celui-ci de passer le contrôle technique. Petit détail: ce véhicule n’était pas doté d’une motorisation diesel, mais essence. Les moteurs à essence modernes, à l’instar de leurs homologues à gazole, sont maintenant équipés de vanne EGR et de filtre à particules. Et comme les diesels, ces éléments mécaniques s’encrassent, et semblent-ils, parfois plus vite que sur un groupe à huile lourde.
Mais, au-delà de la crainte de voir son véhicule recalé au contrôle technique, disposer d’un moteur propre assure un meilleur rendement et peut réduire la consommation de près de 15%. Cela n’a pas échappé à la Direction générale de l’armement, qui vient soutenir à hauteur de 500.000 euros un projet conçu par la société FlexFuel, spécialiste du nettoyage des moteurs, pour décrasser certaines mécaniques des bateaux de la Marine nationale. Un chantier d’envergure, car certains groupes dotant ces navires peuvent avoir des cylindrées allant jusqu’à 900 litres. Il n’y a pas que les voitures particulières qui sont à l’origine de la pollution due aux carburants fossiles.