Tous les acteurs de l’automobile sont d’accord pour réduire les émissions de CO2 et de polluants ainsi que pour atteindre la neutralité carbone au cours de la prochaine décennie sur l’ensemble de la production. Les moyens et les chemins pour y parvenir divergent toutefois selon les constructeurs. Entre la crise des semi-conducteurs et la guerre en Ukraine qui fait flamber les prix des matières premières et de l’énergie, les dernières semaines ont montré que le véhicule électrique à batterie ne pouvait pas être la seule réponse au défi de la transition écologique. Rien ne serait plus dangereux que de dépendre d’une seule technologie.
Certains considèrent, à juste titre, que la réduction de l’empreinte environnementale de l’automobile nécessite d’encourager une certaine forme de sobriété. Il s’agirait moins de produire de nouvelles voitures, ce qui a un impact important sur la préservation des ressources naturelles et l’environnement, que de diminuer les émissions du parc existant évalué à 1,3 milliard de véhicules dans le monde. Porsche s’est fondé sur ce raisonnement pour développer un carburant qui ne soit pas issu de pétrole raffiné mais d’électricité renouvelable et de CO2 prélevé dans l’air ambiant. Ce carburant de synthèse (eFuel) permettrait d’alimenter les voitures thermiques qui ne vont pas disparaître du jour au lendemain. Chez Porsche, plus de 75 % des véhicules produits depuis 1948 sont encore en circulation. Et la firme allemande prévoit de produire encore 20 % de modèles à moteur thermique en 2030.
Jouant le rôle de laboratoire pour le groupe Volkswagen, la marque de voitures de sport de Stuttgart-Zuffenhausen vient ainsi d’acquérir 12,5 % du capital de la société holding HIF Global LLC en vue de produire industriellement du carburant de synthèse. L’usine pilote est implantée à Punta Arenas, dans le sud du Chili. Siemens Energy et le pétrolier ExxonMobil sont associés au projet. L’essence est produite à partir d’hydrogène (H2) et de CO2 capturés dans l’air par l’énergie éolienne. L’hydrogène est obtenu par l’électrolyse de l’eau. Une réaction chimique entre le H2 et le CO2 permet ensuite de créer du méthanol. «Le lieu a été choisi pour les conditions climatiques. Grâce au vent, qui souffle fort plus de 300 jours par an, le rendement des éoliennes est très élevé. Nous pouvons produire ce carburant à un coût acceptable», explique Marc Meurer, président de Porsche France.
Le constructeur allemand a consacré un investissement de 100 millions d’euros pour ce programme qui passera rapidement par un déploiement sur d’autres sites aux États-Unis et en Australie. «Nous allons produire 130 000 litres de eFuel en 2022 et nous avons l’ambition de passer à 55 millions de litres en 2024 et 550 millions à l’horizon 2026», poursuit-il. Et l’Europe? Les éoliennes ne fournissent pas suffisamment d’électricité pour produire le eFuel à un coût acceptable. Actuellement, hors taxes, le litre ressort à 10 dollars et l’objectif est de le diviser par cinq, à l’horizon 2030.
Les bénéfices quantifiables
Comme souvent chez Porsche, la compétition sert de banc d’essai. «Le eFuel alimente les 911 qui participent à la Supercup et les GT3 qui animent les pelotons des courses d’endurance. Notre Porsche Center du Mans utilisera aussi ce eFuel à partir de 2026. Nous réfléchissons également à livrer nos voitures neuves à moteur thermique avec 5 à 10 litres de ce carburant vert», ajoute Marc Meurer. Le sport automobile constitue également un laboratoire pour TotalEnergies qui a développé un carburant 100 % renouvelable pour le championnat du monde d’endurance. Ce eFuel est issu de résidus vinicoles (lie de vin et marcs de raisin) mélangés ensuite avec de l’ETBE, un additif dérivé de l’éthanol.
Le carburant de synthèse ne manque décidément pas d’atouts. Il ne nécessite pas de modification en termes de stockage et d’infrastructures de distribution. Il peut être combiné au bioéthanol E85 et il n’impose aucun aménagement technique au parc existant. Les bénéfices sont donc immédiatement quantifiables. Les émissions de CO2 d’origine fossile seraient ainsi abaissées de près de 90 % alors que le bilan écologique de la production de véhicules électriques est sujet à caution