Il n’y a pas que les voitures anciennes qui se collectionnent. Depuis près de quarante ans, les marques de prestige commercialisent régulièrement des modèles exclusifs que les amateurs s’arrachent et qui donnent lieu à des débordements spéculatifs. Un filon dont Ferrari a été le premier à tirer profit avec la 288 GTO de 1984 produite à seulement 272 unités. À travers ces machines superlatives faisant l’objet de productions contingentées, les constructeurs exaltent le plaisir et le désir.
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Les possesseurs de ces véhicules d’exception n’ont jamais eu à le regretter. Ce sont de meilleurs placements qu’une assurance-vie. Une 288 GTO vaut désormais 2 millions d’euros (935.000 francs en 1984) ; une McLaren F1 près de 20 millions d’euros (5.400.000 francs en 1993) ; une Porsche 911 R, le double de son prix de vente. À chaque fois, la formule est à peu près semblable: une carrosserie inédite, une technologie et un plaisir de pilotage portés à leur paroxysme ainsi qu’un tirage suffisamment limité pour entretenir la pénurie et donc la désirabilité.
Parfois, ces modèles hors-série se nimbent d’une bonne dose de nostalgie. Porsche prétexte ainsi les 25 ans du Boxster pour commercialiser en ce moment une série anniversaire limitée à 1250 unités numérotées. Elle reprend de nombreux éléments stylistiques du concept de 1993 qui a initié ce roadster et la mécanique la plus exclusive du catalogue, le flat-six atmosphérique 4 litres de 400 chevaux.
Chez McLaren, il a également été décidé de rouvrir les plus belles pages de son histoire. Dans la foulée de la Speedtail qui ravive le souvenir de la F1 avec ses trois places de front, sa conduite centrale et ses 106 exemplaires, la marque anglaise de voitures de sport vient de démarrer la production d’une sensationnelle barquette qui se veut une interprétation moderne de l’Elva M1A, un sport-prototype que son fondateur, Bruce McLaren, pilotait au milieu des années 1960. Vous la voyez, vous la voulez! Avec sa silhouette dépouillée dépourvue de toute protection et culminant à 1,08 m du sol, la nouvelle Elva semble comme venue d’ailleurs. Évadée d’une grille de départ de course. Elle renoue avec ce qui fait l’essence même de l’automobile: le plaisir.
Il va y avoir du sport!
Un plaisir certes réservé à quelques privilégiés. Au lieu des 399 unités prévues initialement, seulement 149 Elva vont voir le jour au tarif de 1.709.000 euros. Un minimum car chaque véhicule va passer par l’atelier de personnalisation. Presque tout est permis, depuis la peinture faisant ressortir la trame de la carrosserie en fibre de carbone jusqu’à la sellerie des deux baquets à coque carbone, sans oublier le choix d’une teinte spéciale pour les deux casques Bell spécialement étudiés pour la voiture et livrés de série. Un couvre-chef qu’il sera parfois indiqué de porter car l’Elva se dispense de pare-brise et de saute-vent. Ce parti pris donne tout son sel à la conduite.
Avouons-le: ce contact avec l’Elva nous a remplis d’une émotion que l’on n’avait plus éprouvée depuis longtemps. On a l’impression de piloter une Formule 1 sans casque. Si les 815 chevaux du V8 4 litres biturbo emprunté à la Senna vous entraîneront dans une ronde exaltante, elle ne sera jamais ébouriffante. Les ingénieurs ont développé une solution évitant les turbulences dans l’habitacle. La botte secrète: un déflecteur qui jaillit du capot avant à partir de 45 km/h et qui dévie les flux d’air. C’est particulièrement efficace. On se contente des lunettes faisant partie du pack de série. Semblables à celles développées pour l’armée américaine, elles épousent parfaitement le visage.
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L’habitacle est dépouillé et l’instrumentation se résume à un écran numérique adossé à un bloc-casquette qui coulisse avec le volant pour ajuster la position de conduite au millimètre. Concession au modernisme: une petite tablette tactile de 8 pouces située près du volant permet d’accéder à la plupart des fonctions du véhicule. L’ergonomie est excellente ; la visibilité parfaite. Le V8 associé à la boîte automatique à double embrayage à 7 rapports est d’une parfaite docilité. L’évolution en ville, qui plus est dans les ruelles de la principauté de Monaco, est aussi facilitée par le grand rayon de braquage. Lorsque l’horizon se dégage, on se dit qu’il va y avoir du sport. La vigueur des accélérations vous plaque au fond du baquet. Les 100 km/h sont atteints en 2,8 secondes, les 200 km/h en 6,8 secondes. La force du freinage assuré par des disques en carbone-céramique et couplé à un spoiler arrière qui se dresse est tout aussi impressionnante.
L’Elva ne semble jamais s’essouffler et, avec la confiance qui s’installe, le conducteur, jamais sevré de sensations, change les réactions de la voiture en jouant sur les trois programmes (confort, sport ou circuit). Ils se combinent avec les trois modes du contrôle de stabilité. Le dernier, à réserver sur circuit, pimente l’expérience, ouvrant la voie à de grandes dérives. La symphonie particulièrement soignée du V8 n’empêche pas le moment venu d’écouter vos musiques préférées. Harmann a développé un système hi-fi particulièrement performant qui passe par l’installation d’enceintes de chaque côté des appuie-têtes. Réjouissant.