Qu’ont fait les Français aux premières heures du dernier déconfinement? Ils ont pris leur voiture et se sont rués sur les routes, comme si c’était un jour de départ en vacances, prenant le risque de se retrouver englués dans des embouteillages monstres. Peu importe: la voiture, c’est la vie. Elle est un autre soi-même. La deuxième maison. Les Français ont noué avec elle des liens indéfectibles depuis son apparition voici un siècle. L’automobile a rapproché les populations et les territoires, réduit les distances, façonné l’économie. Elle a fait connaître la géographie. Elle est le mode de transport qui symbolise le mieux la liberté individuelle. La liberté de se déplacer là où on veut, quand on veut. Avec qui l’on veut. À la différence des transports en commun tributaires d’horaires et de lieux.
Quoi qu’on en dise, la voiture reste sacrée. On ne peut pas s’en passer. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. L’an dernier, lorsque les commerces ont pu rouvrir, les Français se sont précipités dans les concessions pour changer de véhicule, aiguillonnés par l’effet d’aubaine des primes distribuées par l’État. Certes, les mois de fermeture n’ont pas pu être totalement compensés mais le pays a tout de même acheté plus de 1,65 million de véhicules neufs en 2020 (- 25,5 %), dont près de 195.000 véhicules électriques et hybrides rechargeables, soit une hausse de + 180 %.
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Quant au marché des véhicules d’occasion, il a explosé. Après avoir fait preuve d’une incroyable résistance en 2020, se repliant de seulement 3,5 % – ce qui représente un volume de 5,589 millions d’unités -, il a augmenté de + 17,9 % au premier trimestre 2021. Les Français ont déjà acheté 1,57 million de véhicules de seconde main en l’espace de trois mois. Et le phénomène ne semble pas près de s’essouffler. Les professionnels du secteur croulent sous les demandes. Le refus d’emprunter les transports en commun en raison du risque d’attraper le Covid-19 explique en partie ce plébiscite pour la bagnole. Sera-t-il durable? La moitié des automobilistes ont déclaré que les périodes de confinement les avaient privés du plaisir de conduire.
Berceau de l’automobile
C’est que la bagnole est inscrite dans notre imaginaire collectif. Les plus anciens ne l’ont pas oublié. La France est le berceau de l’automobile. Panhard & Levassor est le chef de file d’un mouvement qui comptera un nombre considérable de firmes au tournant du XIXe siècle. Les premières épreuves sportives sont françaises. Comme le premier cercle, l’Automobile Club de France, voué à l’évolution et au développement de cette nouvelle mobilité. Ce n’est pas rien.
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Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, l’automobile était réservée à une minorité mais faisait notre fierté, dominant le marché du haut de gamme avec des modèles habillés par des maîtres carrossiers de génie. Avec les Trente Glorieuses, l’accès à l’auto se démocratise. Chaque année, le Salon de l’auto est un événement attendu. On s’y rend en famille, comme à la messe, pour y commander le dernier modèle. Ces dernières années, le Mondial de l’automobile était même devenu le premier salon au monde en termes de fréquentation, attirant près de 1,5 million de visiteurs. Plus récemment, malgré une relation moins fusionnelle que par le passé, sans doute sous le poids de contraintes de plus en plus écrasantes, la voiture conserve son pouvoir d’attraction. Lorsque les deux cents anciennes pétaradantes du Tour auto traversent nos régions, la France est aux fenêtres lorsqu’elle ne descend pas dans la rue. Les Français adorent toujours l’automobile mais ont encore du mal à se l’avouer.