C’est la première fois depuis sa création en 1930 que son logo n’est plus discrètement apposé sur les flancs d’une robe qu’elle a dessinée mais trône fièrement sur une calandre. Tout un symbole: l’année de ses 90 ans, la Carrozzeria Pininfarina installée à Cambiano, près de Turin, a décidé de devenir un constructeur à part entière. Sa première réalisation, la Battista – en hommage au père fondateur Gian-Battista «Pinin» Farina -, vient de naître 22 mois seulement après le rachat du célèbre studio de design italien par l’indien Mahindra et la création de la marque Automobili Pininfarina en 2018.
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Révélée sous la forme du concept car «PFO» au concours d’élégance de Pebble Beach en Californie, sa première voiture est entrée dans une phase plus active. Le patron Michael Perschke explique cette gestation rapide comme l’éclair par le recours à l’électricité: «Le développement de la Battista était simple car nous avons profité de l’expérience de Mahindra Racing en Formula E qui utilise une technologie de pointe, très en avance pour un supercar». Et Nick Heidfeld, l’ancien champion de Formule 1 et pilote de Formula E devenu pilote-essayeur maison, de renchérir: «La Battista, c’est un peu une Formule 1, et un peu une Formula E». Alors, bouclez bien votre ceinture!
Déjà dans l’histoire
Pour présenter son premier bébé, le nouveau constructeur italo-allemand – le siège d’Automobili Pininfarina est basé à Munich – a convié une poignée de journalistes – dont notre reporter du Figaro. Assurément un moment d’exception. Avant même le début de la production, la Battista défraye la chronique en devenant la voiture de route la plus puissante jamais conçue. Avec des prestations stratosphériques bien supérieures à celles des Lamborghini Aventador, Ferrari LaFerrari, Pagani Zonda, voire Bugatti Chiron.
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Malgré son potentiel théorique impressionnant, ce coupé biplace est présenté comme une GT élégante et confortable plutôt que comme un monstre de circuit. Ses dimensions exactes ne nous ont pas été communiquées mais ses proportions sont bien celles d’une sportive à moteur central arrière. Proue fine, pavillon fuyant, prises d’air centrales et latérales pour canaliser les flux, refroidir la machinerie et donner de l’appui aérodynamique rappellent certaines productions de Maranello et notamment la berlinette 488 GTB. En revanche, l’arrière se distingue avec un double ponton et un immense aileron arrière mobile (une vraie queue de baleine!) qui peut servir d’aérofrein et qui intègre des feux très fins «flottants» du plus bel effet.
Une puissance prodigieuse
Comme tout hypercar d’exception qui se respecte, la Battista repose sur une structure monocoque en fibre de carbone équipée de renforts en aluminium, sur laquelle est fixée une carrosserie en carbone. Un procédé dérivé des monoplaces de Formula E Mahindra. À être traversé par des frissons, la fiche technique poursuit la surenchère. Cette berlinette biplace est animée par quatre moteurs électriques synchrones, un par roue. À l’avant, chaque bloc de 55 kg développe 450 kW (612 ch) et 900 Nm de couple, tandis que ceux de l’arrière, moins gros (25 kg), annoncent un peu moins: 250 kW (340 ch) et 280 Nm de couple. Après un petit calcul mental, vous arrivez au chiffre vertigineux de 1900 ch et 2300 Nm de couple. Cette cavalerie est canalisée par une transmission intégrale et un système vectoriel de couple adaptatif.
Le poids – certainement conséquent — de la Battista n’a pas été communiqué mais Pininfarina annonce des performances à faire dévisser la tête de tout conducteur, même des champions de Formule 1, et à ridiculiser la Bugatti Chiron et ses 1500 ch: moins de 2 secondes pour passer de 0 à 100 km/h, moins de 12 secondes pour placer l’aiguille du compteur sur la barre des 300. Quant à la vitesse maxi, elle dépassera les 350 km/h.
Projectile sur roues
Il va de soi que pour stabiliser un tel bolide qui atteint la vitesse d’un avion au décollage, l’ingénierie employée tient plus de la balistique que de l’automobile. D’ailleurs, aérodynamique active et amortissement piloté sont de la partie. Même les rétroviseurs extérieurs, véritables œuvres d’art, disposent de «foils» pour limiter les remous. Il va sans dire que pour stopper ce projectile en pleine course, il convient de faire appel à un dispositif de freinage hors norme. L’équipementier italien Brembo a été choisi pour équiper ce supercar de disques en carbone-céramique de 390 mm de diamètre pincés par des étriers à six pistons. Les pneumatiques taille basse de 20 pouces (21 pouces à l’arrière) sont des P Zero spécialement étudiés par le manufacturier Pirelli. Ils équipent des jantes en aluminium forgé, à écrou central et réduisant de 10 kg les masses non suspendues pour la version «Anniversario».
Cette série spéciale mêle le blanc «Sestriere» et le bleu «Iconica», les couleurs historiques du carrossier transalpin avec l’inédit gris «Antonelliano». L’habitacle, dans lequel la coque carbone mat ne se cache pas, se distingue par des sièges baquets noirs associant cuir et suédine, l’ensemble contrasté par des éléments bleus. De discrets logos «Anniversario» parsèment la carrosserie et l’habitacle. Reflet de ce nouveau monde, sous la verrière abritant les moteurs électriques arrière, apparaît seulement un petit médaillon illuminé simulant un cœur (EV-Heart) qui bat et frappé du logo «f» de Pininfarina.
Plus démonstrative, la Battista Anniversario s’enrichit d’un pack aérodynamique exclusif comprenant spoiler avant, ailettes latérales et aileron arrière spécifiques générant un appui aérodynamique plus important.
Grand rayon d’action
Malgré les performances dantesques, le constructeur annonce une autonomie d’environ 500 km entre deux charges complètes grâce à une énorme batterie de 120 kWh en «T» répartie entre le tunnel central et derrière les splendides baquets Sabelt en carbone. Un accumulateur fourni, comme la transmission, par le constructeur croate Rimac, auteur de la C_Two, l’une des rares rivales de la Battista. La batterie peut être rechargée depuis une wallbox dédiée «f» avec prise triphasée 22 kW – 32A, mais aussi avec un superchargeur 180 kW à courant continu. Grand prince, Pininfarina fait «cadeau» de 5 ans de charge sur les bornes publiques à ses clients.
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L’habitacle, qui pourra être largement personnalisé, installe les occupants dans un univers résolument high-tech mais aussi ergonomique. Le conducteur a trois écrans parfaitement orientés vers lui. Plus bas, sur la console centrale, une commande rotative contrôle la transmission, tandis qu’une autre molette, implantée sur l’accoudoir de la porte «papillon» gauche, permet de choisir l’un des cinq modes de conduite (Calma, Pura, Energica, Furiosa et Carattere). En revanche, peu de boutons encombrent le cockpit et quelques raccourcis, bien placés, sont intégrés sous l’écran central. Tout est à portée de main.
La Battista (garantie 3 ans et 100.000 km) sera construite à Turin, à 150 exemplaires seulement. Les heureux élus, dont certains auront la chance d’effectuer quelques tours de roues dès cet été, devront débourser 1,98 million d’euros pour l’un des 145 exemplaires standards et 2,6 millions d’euros pour un des cinq modèles anniversaire. Premières livraisons prévues fin 2020.