Comme des mouches. Les coupés «tombent» les uns après les autres. Petits ou grands, ces véhicules deux portes, à deux ou quatre places, sont passés de mode. Les constructeurs généralistes ont jeté l’éponge. Faute de débouchés suffisants. Et au sein des marques de luxe et de prestige, où elle fait partie de leur fonds de commerce, cette silhouette n’est pas à l’abri de la rigueur des temps. Mercedes a d’ores et déjà renoncé à renouveler son coupé Classe S. Quant à Audi, après avoir sacrifié la R8, l’avenir du TT est en suspens. Ainsi vont les années 2010-2020, qui brûlent ce que nos pères ont adoré, au profit du SUV roi. La preuve que l’achat émotionnel a changé de camp.
» LIRE AUSSI – Renault Arkana, un SUV coupé
Au temps de papa et de grand-papa, le coupé est pourtant la silhouette au volant de laquelle il faut s’afficher. Cela avait de la gueule: Georges Pompidou entre à Matignon en Porsche ; les gendarmes des pelotons autoroutiers roulent en berlinette Alpine avant de se convertir à la Citroën SM. Incarnant le summum de l’élégance avec ses lignes fuselées et son pavillon surbaissé, le coupé est associé à un imaginaire. C’est la voiture des exploits et des excès. Des hommes pressés et des coureurs de jupons. Une époque où l’on soulevait encore le capot pour admirer les cache- culasses ou pour refaire le niveau d’huile.
Le coupé imposait le respect et conférait à son propriétaire un ascendant sur ses contemporains. Un monde que les moins de 40 ans ne peuvent pas connaître: on le voyait arriver de loin et on lui cédait volontiers le passage. On voulait se griser des vocalises de son moteur gavé de chevaux, observer ses formes en mouvement et découvrir le visage du conducteur. Celui-ci passait volontiers pour un esthète.
Le choc pétrolier de 1973 et la chasse au gaspillage qui l’accompagne lui flanque un sacré coup. Les automobilistes découvrent, parfois avec effroi, qu’ils vont devoir apprendre à rouler autrement. L’ivresse de la vitesse n’a plus bonne presse. Les pouvoirs publics imposent des limitations et les premiers radars poussent comme des champignons au bord des routes. Le coupé devient pestiféré. Place à la berline économique. Pas pour longtemps. Dès l’annonce de la reprise économique, le pouvoir ludique et onirique de l’automobile retrouve sa fonction. Le plaisir de conduire s’écrit de nouveau en lettres d’or.
À l’heure du narcissisme et de l’individualisme, les consommateurs aspirent à se distinguer. Qui mieux que le coupé peut le permettre? Et lorsqu’il s’agit de réveiller son image ou de la rajeunir, le coupé s’impose comme une évidence pour tous les constructeurs de la planète.
» LIRE AUSSI – Mazda MX-30, un coupé électrique pour sortir de l’ordinaire
Peugeot touche le Graal avec le coupé 406, élu plus belle voiture du salon de Paris 1996. Signé Pininfarina, le modèle sochalien pouvait enfin séduire les conducteurs germanophiles. Plus nombreux que jamais, les coupés s’invitent dans de nombreux foyers et illuminent le paysage routier. Alors que BMW souligne qu’il n’a jamais vendu autant de coupés Série 3, un mouvement contraire se développe en parallèle.
Cette fois-ci, son compte est bon. Le désir d’aventure des consommateurs et le renforcement de la répression routière et des normes de sécurité encouragent l’essor de véhicules hauts sur pattes. La convivialité supplante l’égoïsme. Le coupé devient dépassé. «Ces véhicules ne sont plus en phase avec notre époque. Les jeunes n’ont pas les moyens de les acheter, et, quand ils les ont, ils leur préfèrent les SUV. Et les séniors qui voulaient montrer qu’ils sont encore dans le coup passent pour des vieux beaux à leur volant», explique l’ex-porte-parole d’un constructeur allemand.
Un produit très occidental
À ces clichés associés aux coupés et pas spécialement valorisants, il faut ajouter le fait qu’il est désormais plus chic d’avoir un SUV pour transporter une planche de surf ou un vélo que de rouler à fond la caisse, assis au ras du sol. Le déplacement de centre de gravité du marché qui se déplace en Chine apporte le coup de grâce. Les Chinois ne goûtent guère cette carrosserie deux portes péchant par une accessibilité et une habitabilité arrière ridicule. Leur culture les porte vers des voitures familiales, volumineuses et spacieuses. Le coupé reste un produit très occidental.
» LIRE AUSSI – BMW 218i Gran Coupé, une Série 1 à quatre portes
Ces tendances souffrent quelques exceptions. Chez Porsche, la 911 connaît une insolente réussite. Quant à Ferrari, le coupé est l’essence même de son existence. Cela n’empêche pas la firme au cheval cabré d’annoncer un SUV pour 2022. Selon un expert du secteur, il n’est pas certain que le coupé disparaisse. «La mode du coupé reviendra peut-être. Les cycles durent quinze à vingt ans.» En attendant, on doit à Mercedes d’avoir osé briser les lignes et de se réinventer à travers le CLS, une berline profilée comme un coupé. Depuis, de nombreux constructeurs ont donné la réplique à la firme à l’étoile. Le coupé quatre portes a créé un pont entre deux mondes qui s’ignoraient: celui du coupé et celui de la berline. Cette architecture à toit fuyant investit désormais l’univers du SUV.