Au moins une à deux journées par mois, parfois plus, Thierry Métroz est injoignable. Non que le directeur du design de DS ne veuille pas être dérangé mais faute de réseau, car son smartphone ne capte pas. Ces jours-là, il se trouve en général dans une clairière du Perche dépendant d’une propriété de 800 hectares. Bordée d’un mur d’enceinte de 12 kilomètres, elle se situe à un jet de pierre des ruines du château de la Ferté-Vidame. Le domaine, pas trop éloigné de Paris et de l’usine du quai de Javel, a été acquis par André Citroën dans l’entre-deux-guerres. Décédé en 1935, l’industriel ne verra pas la firme au double chevron y installer son centre technique et d’essais des prototypes en novembre 1938. Pendant la guerre, un grenier de la ferme sert de planque à des prototypes de la 2 CV (qui ne seront redécouverts qu’à la fin des années 1970). Les pistes de la Ferté sont également largement utilisées pour la mise au point de la DS et de sa fameuse suspension hydropneumatique, à l’aube des années cinquante.
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DES PROTOTYPES «NOURRIS AU GRAIN»
Au début du XXIe siècle, ce lieu étend son champ d’action, devenant une annexe du nouveau pôle design érigé par PSA au sein de l’ADN (Automotive Design Network) à Vélizy. Bien décidé à dépoussiérer les chevrons, Jean-Pierre Ploué, nouveau responsable du design Citroën, fait construire un bâtiment moderne entièrement vitré à la Ferté-Vidame. Accolée au pavillon de chasse La Faisanderie, cette extension accueille les designers pour des séances de travail d’un nouveau genre. Bercés par le roucoulement des oiseaux et enivrés par les senteurs des bois, les stylistes donnent naissance à un design que Ploué qualifie de «nourri au grain». Cela fait sourire le Franc-Comtois Thierry Métroz, son plus ancien complice et camarade de promotion à l’école d’architecture de Besançon et à Olivier de Serres à Paris (ENSAAMA), débauché de chez Renault pour piloter le style Citroën puis, à partir de 2012, celui de la ligne DS devenue la marque de luxe de PSA.
Depuis, ce dernier est devenu, avec ses équipes, un utilisateur assidu des installations de la Ferté. «Très tôt dans le processus de développement d’une nouvelle voiture, nous amenons les maquettes de style en mousse ou en clay [argile, NDLR],à l’échelle 1. Nous les faisons rouler en les arrimant à un skateboard électrique, au milieu des véhicules de la gamme actuelle et de la concurrence. Cela nous permet de voir des choses qui pourraient nous échapper sur un écran ou sur la terrasse de l’ADN. Ce studio dispose même d’installations techniques permettant de modeler de nouvelles pièces dans la journée.» Le designer loue ces séances qui contribuent à la cohésion de l’équipe. «Parfois, le pavillon sert à des séances de brainstorming sur les projets futurs. S’oxygéner au vert et se retrouver dans un autre environnement nourrit notre imaginaire.»
Thierry Métroz et DS: un rapprochement qui coule de source. Les deux lettres symbolisent l’art de vivre à la française et défendent le savoir-faire du luxe hexagonal à travers des matières nobles et des métiers d’artisanat et l’excellence. Des univers qui parlent à ce Bisontin, qui a grandi dans la passion de l’horlogerie et de la marqueterie. «C’est un retour à mes premiers amours», dit-il. À travers des finitions qui empruntent leur nom à des lieux mythiques de Paris (Bastille, Rivoli, Faubourg et Opéra), les réalisations DS mettent en scène, notamment, le guillochage de certaines pièces métalliques, les surpiqûres point perle et le motif bracelet des selleries en cuir. À la mise en avant de l’artisanat s’associe la technologie dernier cri. «Concilier l’artisanat et la technologie, le chaud et le froid, c’est ce qui est le plus difficile.» Pour relever ce défi, Thierry Métroz s’appuie sur une équipe de 45 personnes aussi passionnées que talentueuses. Avec pour ambition de devenir «le Vuitton de l’automobile».