Valérie* est catégorique. Pas question de retourner travailler en transport en commun. Le risque d’être contaminée par le coronavirus est trop élevé. La distance domicile-bureau et ses horaires excluent le recours au vélo. Le deux-roues motorisé? Trop dangereux. Ce sera la voiture. Cette quadra fait partie des 62 % de sondés début mai par l’institut OpinionWay pour AAA Data à estimer que les exigences sanitaires favorisent le retour en grâce de l’auto. Son entourage l’encourage à passer à l’électrique. Elle n’y est pas opposée d’autant que le ministre de l’Économie a promis de donner un coup de pouce à cette technologie pour relancer la demande en berne après deux mois de confinement et incidemment en profiter pour accélérer la transition écologique. À voir.
Prime à l’achat
Aujourd’hui, ces véhicules zéro émission bénéficient d’une prime à l’achat de 6 000 euros pour les particuliers ; 3 000 euros pour les entreprises. À condition d’acheter une voiture de moins de 45 000 euros. Il est presque acquis que le plan de relance gouvernemental ferait passer le bonus à 8 000 euros pour les premiers. Celui des entreprises serait doublé. Une décision de bon sens puisque plus de 60 % des immatriculations reposent sur les professionnels. Cela suffira-t-il à convaincre les automobilistes de se tourner vers le véhicule électrique? Francis Bartholomé, le président du CNPA (Conseil national des professions de l’automobile), plaide pour un plan plus massif. Selon lui, c’est une erreur de croire que le véhicule électrique peut à lui seul porter le plan de relance du secteur automobile. À la fin avril, ce marché ne représentait que 7 % des immatriculations de voitures neuves, soit 27 132 unités. Sans attendre les modalités du plan gouvernemental, depuis le 11 mai dernier, Valentin Gasq, le responsable commercial véhicules électriques de la concession de Renault de Boulogne-Billancourt, note un intérêt croissant pour la ZOE, le modèle zéro émission du Losange.«Les clients sont plus nombreux à pousser la porte du show-room qu’avant le début de l’épidémie pour se renseigner et essayer un véhicule», dit-il. L’essai serait la clé qui permettrait de débloquer les dernières réticences. L’absence de bruits mécaniques, qui procure un sentiment de zénitude et donne l’impression d’évoluer dans une bulle, serait le principal argument avancé. Ce n’est pas le seul.
Un effet euphorique
Pour Jacques*, c’est la conduite qui pourrait lui donner envie de tenter l’aventure. Une véritable révélation. Feu vert. La citadine électrique s’arrache de l’asphalte à la vitesse de l’éclair, le plaquant contre le dossier du siège. La vigueur de l’accélération, aussi inattendue que prodigieuse, déclenche chez ce conducteur, qui en a pourtant déjà vu d’autres, une réaction euphorique. Comme s’il avait sniffé du poppers. Au feu suivant, c’est un motard médusé qui fait les frais de la démonstration de force. «C’est dément, cet engin», lâche ce retraité. Le propre de cette technologie est de délivrer la totalité du couple et de la puissance dès le démarrage. Il y a encore quelques mois, l’idée d’acquérir un modèle zéro émission ne lui aurait jamais effleuré l’esprit. À présent, il se dit pourquoi pas. Pour suivre le courant actuel plutôt porteur même s’il sait que le véhicule électrique n’est pas aussi propre qu’on veut bien nous le dire. S’il n’émet aucune pollution locale, la production des batteries est particulièrement énergivore et leur recyclage soulève encore de nombreuses interrogations. Quant à l’électricité, selon sa source de production, elle peut détruire le bilan carbone.
Comme de nombreux automobilistes qui l’ignorent, ce retraité a le profil type pour se convertir. Il réside à la campagne dans un pavillon. Ses trajets quotidiens n’excèdent pas une cinquantaine de kilomètres. Et s’il vient régulièrement à Paris où il possède un pied-à-terre, l’aller-retour ne dépasse pas 180 km. Faisable avec une seule charge. Et pour les vacances, il a d’autres véhicules.
L’offre, qui s’est considérablement étoffée sur le segment des petites voitures, pourrait soutenir l’appétence des automobilistes. Renault vient de lancer une ZOE complètement revisitée ; Peugeot décline sa 208 en version électrique, Mini fait de même avec sa 3 portes et DS aussi, avec son crossover DS3 Crossback. Honda entend égayer le paysage avec l’urbaine «e» et Fiat prépare un inédit cabriolet 500. Quant au groupe Volkswagen, une technologie nettement améliorée propulse de nouvelles versions de la up!, de la Seat Mii et de la Skoda Citigo. Si Jacques forme le gros du bataillon des électrocompatibles qui rechignent encore à franchir le pas, c’est que le véhicule électrique représente encore un investissement difficile à rentabiliser. Aucune de ces citadines n’est proposée à un tarif inférieur à 20 000 euros. Certaines flirtent même avec les 40 000 euros. Malgré le bonus à l’achat, l’addition reste salée pour une voiture qui ne peut être que la deuxième, voire la troisième du foyer. À moins de voir les choses différemment. Selon certains ménages, le contexte serait une opportunité pour changer ses habitudes, repenser entièrement sa façon de consommer l’automobile et supprimer ainsi le véhicule familial qui serait désormais loué pour les vacances. En définitive, pour éviter les désillusions, le choix devra procéder d’une analyse fine des besoins et des contraintes.
* Les prénoms ont été modifiés.